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La sécheresse peut aggraver les problèmes de qualité de l’eau

kevin bunch
Kevin Bunch
red river st andrews

L’amélioration de la qualité de l’eau est une affaire compliquée en raison de l’interaction complexe entre les différents contaminants et les différents enjeux. C’est vrai aussi des conditions météorologiques. En cas de sécheresse, certaines difficultés liées au ruissellement pourraient être atténuées, tandis que d’autres problèmes sont aggravés.

Selon Joel Galloway, responsable des études hydrologiques au Centre scientifique de l’USGS (US Geological Survey) au Dakota, les répercussions de la sécheresse sur la qualité de l’eau dépendent en grande partie du plan d’eau en cause, de son emplacement et même de la zone du plan d’eau dont il est question. Galloway participe à une étude de la CMI portant sur les tendances à long terme de la qualité de l’eau dans la rivière Rouge.

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Le lac Devil, dans le Dakota du Nord, se jette dans la rivière Rouge. Photo : Conspiracy of Cartographers

Certains enjeux sont pratiquement universels. Prenons l’exemple de l’oxygène dissous, que les espèces aquatiques ont besoin de respirer. Un fort débit dans les cours d’eau permet de maintenir le volume d’oxygène dissous à un niveau sain pour de nombreuses espèces grâce au processus d’aération. Mais, durant une période de sécheresse, le débit d’eau a tendance à diminuer et à permettre moins de mélange, explique M. Galloway. Cela risque de réduire la quantité d’oxygène dissous dans le réseau fluvial et d’entraîner la mort des poissons.

Mais qu’en est‑il des éléments nutritifs comme les nitrates et le phosphore, ou les métaux lourds, ou les sulfates? Les effets de la sécheresse sur ces éléments se traduisent dans ce qui se trouve dans les sédiments, dans les nappes phréatiques locales et dans les terres avoisinantes.  S’il y a moins d’oxygène dissous en raison d’une sécheresse qui réduit le débit d’eau, il peut s’ensuivre un rejet dans l’eau d’éléments nutritifs et de métaux contenus dans les sédiments.

En période de sécheresse, il arrive aussi que les eaux souterraines contribuent davantage au débit d’eau que les eaux de surface et de ruissellement, ce qui modifie la composition et le volume de contaminants présents dans l’eau. Comme l’explique M. Galloway, dans la rivière Rouge, qui coule dans le Dakota du Nord, au Minnesota et au Manitoba, les périodes de sécheresse estivales peuvent réduire le débit et le niveau d’eau, ce qui n’est pas surprenant. Mais cela signifie également que les contaminants qui passent de la nappe phréatique à la rivière, comme les nitrates, ne seront pas dilués au même degré que s’il y avait plus d’eau de surface. Par conséquent, les concentrations mesurées dans l’eau pourraient être plus élevées.

Par contre, une période de sécheresse dans le bassin de la rivière Rouge peut réduire le ruissellement du phosphore qui pénètre dans la rivière et, compte tenu du ralentissement du débit d’eau, entraîner une réduction de la quantité d’éléments nutritifs qui pénètrent dans le lac Winnipeg, précise Gregg Wiche, hydrologue semi-retraité de l’USGS et membre du conseil d’administration du Conseil international de la rivière Souris et du Conseil international de la rivière Rouge de la CMI.

« D’une certaine façon, les concentrations de phosphore ne changent pas (dans le bassin hydrographique); la sécheresse ne fait qu’alléger la charge », explique M. Wiche. Si une période de sécheresse est suivie d’une pluie abondante soudaine, le phosphore qui se trouve dans le bassin hydrographique peut soudainement être emporté dans la rivière et faire augmenter le volume de contaminants dans l’eau.

Comme le souligne M. Galloway, pendant les périodes de faible débit, l’influence des contaminants provenant de certains endroits est plus élevée, notamment en raison du débit des eaux souterraines et des rejets des usines de traitement des eaux usées. Pendant les périodes de débit élevé, les concentrations ont tendance à être davantage influencées par des sources diffuses dont on ne peut pas facilement retracer l’origine.

Le moment où se produit la sécheresse joue également un rôle. Une période de sécheresse hivernale conjuguée à du temps froid peut entraîner le gel de l’eau et une diminution du « barattage », ce qui risque de réduire le volume d’oxygène dissous (la sécheresse exacerbant le phénomène). Et, durant les périodes plus chaudes, les métaux et l’ammoniac risquent d’être aspirés dans la colonne d’eau en raison d’une contribution démesurée des eaux souterraines.

Le temps sec pendant la saison d’irrigation le long de la rivière Rouge fait également en sorte qu’une plus grande quantité d’eau pourrait être pompée à des endroits comme le lac Devil, outre le débit en provenance d’affluents comme la rivière Sheyenne. M. Galloway rappelle que le lac Devil et la Sheyenne présentent des problèmes liés aux sulfates et que cela aussi peut influer sur la qualité de l’eau.

Dans le cadre de son Initiative internationale sur les bassins hydrographiques, la CMI finance une étude sur les tendances à long terme de la qualité de l’eau de la rivière Rouge, en collaboration avec la Minnesota Pollution Control Agency et le ministère de la Santé du Dakota du Nord. L’étude porte sur les données de 1970 à 2017 des deux États et du Manitoba, et devrait être terminée d’ici juin 2019, rappelle M. Galloway, qui ajoute que l’on envisage de procéder à une étude semblable pour la rivière Souris.

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La rivière Rouge près de St. Andrews, au Manitoba. Photo : Robert Linsdell

La sécheresse peut exacerber un autre problème : la prolifération d’algues. M. Galloway explique que, même si le ruissellement d’azote et de phosphore – qui jouent un rôle déterminant dans la prolifération d’algues – est généralement moins important pendant une période de sécheresse, la conjugaison de vents faibles, de températures élevées et d’un niveau d’eau réduit peut entraîner la prolifération d’algues nuisibles, particulièrement dans les lacs du Dakota du Nord et du Manitoba.

Des études réalisées ailleurs dans le monde laissent entendre que les changements climatiques pourraient conduire à des épisodes plus fréquents de faible débit dans les cours d’eau et de sécheresse estivale qui auront un effet néfaste sur la qualité de l’eau. Pour s’adapter à l’avenir, il est essentiel d’avoir une meilleure idée de ce que cela signifie pour certains bassins hydrographiques transfrontaliers.

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Kevin Bunch

Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.

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