La diplomatie et la coopération en vertu de l’Initiative internationale sur les bassins hydrographiques

kevin bunch
Kevin Bunch
rainy river minnesota

La Commission mixte internationale (CMI) a été créée pour aider à gérer d’éventuels différends liés aux eaux partagées le long de la frontière commune entre le Canada et les États-Unis et à recommander des solutions en ce sens. C’est ce que fait la CMI depuis plus d’un siècle grâce aux efforts des commissaires et du personnel, et au travail acharné des conseils d’un océan à l’autre. Depuis sa création, il y a 25 ans, l’Initiative internationale sur les bassins hydrographiques (IIBH) remplie un rôle déterminant dans la gestion de ces questions parfois délicates.

Avant la signature du Traité des eaux limitrophes de 1909, les deux pays n’ont pas toujours été d’accord et ont beaucoup débattu des questions relatives au partage des eaux. Le Congrès américain avait créé la Commission internationale des voies navigables en 1902, et le gouvernement canadien avait accepté d’y déléguer trois commissaires l’année suivante. La Commission des voies navigables a bien fait quelques enquêtes dans un certain nombre de dossiers, mais ses recommandations n’ont pas vraiment été suivies et son existence a été relativement courte.

Les négociations en préparation d’un nouveau traité ont débuté en 1907 et le Traité des eaux limitrophes a été signé en 1909, donnant lieu par la même occasion à la création de la CMI. Pendant une bonne partie du XXe siècle, la CMI a aidé à prévenir et à résoudre les problèmes liés à la quantité d’eau par l’entremise de ses conseils de contrôle et de ses tâches de répartition, et elle a réglé les problèmes de qualité de l’eau grâce à ses conseils traitant de pollution. Vers la fin des années 1900, la CMI a reconnu à quel point les bassins hydrographiques sont interconnectés et qu’il fallait tenir compte de tous ces aspects dans une gestion holistique. En 1998, les gouvernements ont invité la CMI, dans un renvoi, à poursuive l’approche des bassins versants en vertu du traité, ce qui a contribué au lancement de l’Initiative internationale sur les bassins hydrographiques (IIBH).

Le traité et l’IIBH sont des exemples de diplomatie de l’eau.

Selon le Forum mondial de l’eau, la diplomatie de l’eau consiste à recourir à la batterie des instruments diplomatiques en vue de résoudre ou d’atténuer les désaccords et les conflits existants ou émergents concernant les ressources en eau partagées dans l’intérêt de la coopération, de la stabilité régionale et de la paix.

Dans les premières années de la coopération transfrontalière entre la CMI, le Canada et les États-Unis, il est arrivé que la diplomatie de l’eau soit quelque peu conflictuelle. Il n’était pas rare que deux conseils se retrouvent chargés de responsabilités distinctes pour une même voie navigable, comme dans le cas des bassins de la rivière Rouge ainsi que du lac des Bois et de la rivière à la Pluie. Ces conseils étaient généralement constitués de membres désignés par les États, les provinces et les gouvernements fédéraux, et ils n’étaient pas nécessairement les mieux placés pour traiter des questions et des préoccupations locales dans les bassins.

L’approche par bassin hydrographique en vertu de l’IIBH part du principe que les gens qui vivent et travaillent dans ces bassins sont un élément clé de tout bassin hydrographique. L’IIBH donne des résultats, car il permet d’établir des relations avec les collectivités locales et ainsi d’instaurer une base pour comprendre les enjeux et tirer parti de points de vue éclairés en vue de prévenir les différends avant qu’ils ne se transforment en problèmes ingérables. Les membres des communautés autochtones, les résidents locaux et les parties prenantes représentant le secteur privé, le monde des loisirs, les organismes de réglementation et le milieu de l’écologie sont invités à la table pour trouver des solutions satisfaisantes aux problèmes de quantité et de qualité d’eau. C’est la diplomatie de l’eau à son meilleur et elle fait de l’IIBH un modèle de gestion internationale de l’eau.

Le retour des gaspareaux dans la rivière Sainte-Croix en est un exemple.

Au XIXe siècle et au début du XXe siècle, les colons canadiens et américains ont construit une série de barrages sur la rivière pour soutenir les activités hydroélectriques et forestières, bloquant du même coup le passage des poissons vers l’amont et affectant des espèces, comme les gaspareaux, qui remontent les cours d’eau douce pour la fraie.

À la suite de la restauration concertée de l’habitat et de l’amélioration des passes à poissons dans les années 1960 et 1970, la population de gaspareaux indigènes a connu une nette reprise à la fin des années 1980 et dans les années 1990. La rétablissement de la population a fait craindre que les gaspareaux ne nuisent à la pêche récréative à l’achigan à petite bouche dans le lac Spednic qui est relié à la rivière Sainte-Croix. L’État a restreint le franchissement des poissons vers l’amont. Le Nouveau-Brunswick n’étant pas d’accord, la province a commencé à transporter du poisson par camion et à contourner les barrages pour le déposer les prises en amont.

À la faveur de la mise en œuvre de l’IIBH, le Conseil international de la rivière Sainte Croix a étudié la question et publié un rapport d’étude scientifique en 2005. Après plusieurs années d’analyse et de discussions avec des groupes communautaires, la Société d’énergie du Nouveau-Brunswick, le Department of Marine Resources du Maine , le Conseil tribal des Passamaquoddy et la Nation des Peskotomuhkati, la rivière a été rouverte aux gaspareaux en 2013.

Le Conseil a été en mesure de fournir une tribune à ses partenaires pour faire le tour de la question, pour en parler, pour l’étudier scientifiquement et pour conclure les gaspareaux n’avaient pas d’impact sur la pêche à l’achigan à petite bouche et que les deux populations pouvaient être gérées avec succès. Depuis, ces partenaires surveillent la restauration de la population de gaspareaux de la rivière.

L’IIBH a également joué un rôle dans les projets en cours destinés à résoudre les problèmes de qualité de l’eau de la rivière Rouge et du lac Winnipeg. Le Conseil international du bassin versant de la rivière Rouge a passé de nombreuses années à étudier le problème des quantités excessives de nutriments dans la rivière, laquelle se déverse dans le lac Winnipeg, afin de fixer des objectifs de qualité de l’eau dans les cas du phosphore et de l’azote au point de franchissement de la frontière. L’excès de nutriments dans le lac Winnipeg a exacerbé les éclosions d’algues nuisibles qui se produisent dans le lac durant les mois d’été.

En 2019, après des années d’étude et de consultation avec les collectivités locales, les organismes de réglementation et des experts externes, le Conseil a émis ses recommandations qui ont été acceptées par les gouvernements en 2022. Par l’entremise de l’IIBH, la CMI a aidé à résoudre le problème des nutriments.

La CMI et l’approche IIBH ont joué un rôle-clé dans le règlement de ce qui aurait pu devenir des problèmes diplomatiques épineux, et cela d’une manière collaborative, communautaire et scientifique. La CMI se réjouit à la perspective d’une autre période de 25 ans d’aide de l’IIBH dans la gestion de ces eaux communes de façon réfléchie et collaborative.

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Kevin Bunch

Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.