Une recherche menée par Natel Energy sur une turbine hydroélectrique de conception nouvelle pourrait contribuer à améliorer la survie des poissons et d’autres espèces dans leur descente des réseaux fluviaux.
De nombreux barrages situés le long de la région transfrontalière, comme dans les rivières Sainte-Croix et Saint-Laurent, ont un effet sur le passage des poissons. Bien que certains barrages comportent des échelles à poissons permettant aux espèces de se déplacer vers l’amont, il arrive souvent que les poissons aient à passer au travers des pales de turbines hydroélectriques lors de leur descente des cours d’eau. Des filtres à l’entrée des turbines permettent certes de bloquer et de rediriger les gros poissons, mais ces dispositifs ne sont pas toujours fiables ou suffisamment fins pour arrêter les petits poissons.
Il ne s’agit pas d’un problème majeur pour des poissons comme la majorité des saumons du Pacifique qui remontent une seule fois les cours d’eau pour frayer et mourir en amont, mais l’incidence peut-être plus marquée des espèces comme le gaspareau dont les adultes reviennent en aval après la fraie avec, pour résultat, que le taux de mortalité est très élevé. D’autres espèces, comme l’anguille d’Amérique, qui atteint l’âge adulte dans les réseaux fluviaux avant de redescendre jusqu’à la mer, est particulièrement exposée aux blessures causées par les turbines.
Projets de passes à poissons de la CMI
Le saumon de l’Atlantique, le gaspareau, l’anguille d’Amérique et l’alose font partie des espèces migratrices surveillées dans le bassin versant de la rivière Sainte-Croix, ainsi que plus au nord, dans le fleuve Saint-Laurent. Reconnaissant ces problèmes, le Conseil international du bassin de la rivière Sainte-Croix de la CMI a travaillé sur plusieurs projets liés au franchissement des poissons dans les cours d’eau.
En 2018, le Conseil a publié un rapport sur l’efficacité des échelles à poissons dans le cours inférieur de la rivière Sainte-Croix; un autre projet a consisté à mettre au point un outil destiné à modéliser les réactions du gaspareau aux changements survenant dans les conditions de franchissement de l’espèce.
Plus récemment, en 2001, le Conseil a publié un rapport sur l’amélioration du franchissement des barrages Grand-Sault et Woodland par les poissons et sur les solutions de substitution les plus viables. Des organismes partenaires ont œuvré à l’obtention de fonds pour construire de nouvelles passes. Toutes ces études ont été financées dans le cadre de l’Initiative internationale sur les bassins hydrographiques de la CMI et ont fait appel à divers partenariats des deux côtés de la rivière, allant d’organismes gouvernementaux aux nations autochtones en passant par des organisations locales.
En 2019, la société d’hydroélectricité californienne Natel Energy a conçu une nouvelle turbine hydroélectrique à hélice, baptisée Restoration Hydro Turbine, se voulant plus sécuritaire pour les poissons.
En 2022, lors de la JASM (réunion conjointe sur les sciences aquatiques), Sterling Watson, une ingénieure de Natel, a expliqué que le nouveau modèle partait de la recherche existante sur les taux de survie des poissons heurtés par des pales de turbine (cela dans l’idée de mettre au point des turbines moins délétères), ainsi que sur les recherches initiales réalisées par le personnel.
Natel Energy a commencé à étudier la survie des poissons en 2020 à sa centrale hydroélectrique de Culver (Oregon), d’abord dans le cas de la truite arc-en-ciel (qui, selon l’ingénieure, était un bon point de départ pour toutes les espèces de saumon). Natel a ensuite effectué des tests de franchissement de l’anguille d’Amérique dans une installation de son siège social, à Alameda (Californie), ainsi qu’un autre essai in situ au barrage Sandy Stream, à Freedom (Maine), en 2021, pour voir comment le gaspareau juvénile s’adaptait à la conception de la turbine.
Mme Watson a signalé que le taux de survie s’était avéré élevé pour ces trois espèces cibles, puisqu’il avait été de 100 % dans le cas de l’anguille au premier et au second essai. Or, son entreprise visait un taux de survie des anguilles de 99 % en raison du cycle de vie particulier de cette espèce.
« C’est important parce que les anguilles, ou tout autre poisson remontant les cours d’eau, peuvent devoir passer par de multiples turbines hydroélectriques, ce qui a compliqué les tests dans le passé », d’ajouter Mme Watson. « Les taux de survie dans des installations hydroélectiques conventionnelles varient de 60 à 90 % par turbine, mais les tests répétés ont révélé que même avec des taux de survie de 90 % à chaque obstacle, l’effet cumulé après toute une série de franchissements devient énorme. »
Entre-temps, après une période d’observation de 48 heures, on a conclu que le taux de mortalité du gaspareau passant par la turbine était statistiquement identique à celui du groupe témoin qui contournait l’obstacle, ce qui, selon Mme Watson, est impressionnant pour une espèce sensible. Les résultats ont été semblables dans le cas de la truite arc-en-ciel.
De plus, comme le site d’essai de Sandy Stream était en pleine nature, plusieurs espèces inattendues ont franchi la turbine, parmi lesquelles le meunier, l’écrevisse, la moule d’eau douce, la libellule à l’état larvaire, le crapet-soleil, le bar noir et même une anguille de 40 cm (15,7 po), espèces qui ont été captées par les senseurs. Selon Mme Watson, aucune de ces espèces n’a été grièvement ou mortellement blessée, bien que ces données soient purement anecdotiques.
Les résultats des tests de validation en laboratoire du nouveau modèle de pale de turbine ont été publiés dans le Journal of Ecohydraulics, tandis que l’étude sur l’anguille d’Amérique a été publiée dans la revue scientifique Transactions of the American Fisheries Society. Les résultats de l’étude sur le gaspareau ont été acceptés par le North American Journal of Fisheries Management pour publication en 2023.
Mme Watson a indiqué que les nouveaux modèles de turbines ont été installés ou sont en cours d’installation dans le Maine, en Oregon, en Virginie, en Louisiane, en Autriche et en République démocratique du Congo. Des discussions sont en cours avec Pêches et Océans Canada au sujet de l’utilisation des nouvelles turbines dans les centrales hydroélectriques canadiennes. Selon Mme Watson, les experts du US Fish and Wildlife Service, de l’US Geological Survey et du US National Marine Fisheries Service ont tous joué un rôle dans ces expériences.
Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.