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Suivi des sources de nutriments au moyen de l’analyse des empreintes environnementales

kevin bunch
Kevin Bunch
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Les nutriments peuvent provenir de nombreuses sources, allant des bassins versants jusqu’aux systèmes de traitement des eaux usées, en passant par le fumier, les engrais et le ruissellement urbain. Les nutriments peuvent également se retrouver dans l’eau en raison d’un déboisement ou de dépôts atmosphériques sous forme de pluie ou de neige. L’une des premières étapes pour s’attaquer aux nutriments qui pénètrent dans les Grands Lacs consiste à savoir d’où ils proviennent. Tout comme les enquêteurs peuvent utiliser les empreintes digitales et des fragments d’ADN pour retrouver leurs suspects, les scientifiques peuvent faire de même avec les empreintes environnementales.

L’analyse des empreintes environnementale consiste à mesurer ou à déterminer les caractéristiques ou la « signature » de substances physiques, chimiques ou biologiques spécifiques en vue de déterminer leurs sources.

Les isotopes sont essentiellement des variations du poids atomique d’un élément. Bien que les isotopes aient le même nombre de protons pour un élément donné (pour l’azote dans le cas présent), ils contiennent tout de même un nombre différent de neutrons. Cela signifie qu’ils auront un poids différent de la forme standard de l’azote, explique James Herrin, chef de projet au laboratoire commercial Source Molecular. Ces isotopes d’azote ont tendance à avoir des « proportions protons-neutrons » similaires s’ils proviennent de la même source, ce qui en fait des marqueurs utiles pour retracer l’origine d’un polluant.

« L’isotope le plus lourd pourrait se trouver dans les déchets humains, alors qu’un isotope plus léger pourrait être utilisé dans la fabrication d’un engrais synthétique » [traduction], précise M. Herrin.

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Le ruissellement, qui comprend des nutriments comme l’azote et le phosphore, peut contribuer à la prolifération d’algues.


Une analyse chimique peut permettre aux chercheurs de déterminer la distribution des isotopes de l’azote et de l’oxygène dans une substance connue sous le nom de nitrate. Cette technique a été utilisée plusieurs fois dans le bassin des Grands Lacs par le passé.

Par exemple, le déboisement entraîne habituellement un rejet de nitrate, mais cela n’a pas été observé dans la région des lacs Turkey en Ontario (du côté nord-est du lac Supérieur) à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Les arbres étaient récoltés au nord de Sault Ste-Marie, ce qui aurait dû entraîner une plus grande quantité de nitrates en aval dans le lac Supérieur. Une étude portant sur l’analyse de ces isotopes de nitrate par la surveillance des cours d’eau et de la végétation de ce secteur a révélé que les rejets de nitrate se retrouvaient plutôt dans une petite zone humide en aval, explique John Spoelstra, un scientifique d’Environnement et Changement climatique Canada qui dirige la recherche. Cela donne à penser que la protection des terres humides en aval des sites de coupe du bois peut aider à réduire la pollution par les nitrates, qui pourrait survenir si rien n’était fait.

Le fait de savoir si les nutriments proviennent de cours d’eau particuliers qui traversent des zones boisées/naturelles, agricoles ou urbaines peut aider les responsables et les organismes à adapter leurs actions en fonction des principales sources de pollution. Pour ceux qui cherchent à réduire la quantité de nutriments dans le lac Érié, cette information peut se révéler utile pour l’élaboration des Plans d’action nationaux du Canada et des États-Unis. Ces plans visent à réduire la quantité de nutriments qui pénètrent dans le lac Érié afin de lutter contre les proliférations d’algues nuisibles. Pour effectuer cette analyse, il est nécessaire de prélever de nombreux échantillons d’eau dans des conditions et à des périodes différentes.

« Si vous pouvez obtenir l’engrais ou les déchets animaux utilisés (sur les sites agricoles), ou des échantillons de fosses septiques, vous pouvez […] estimer ou mesurer les proportions isotopiques à ces endroits » [traduction], précise M. Herrin. « Ensuite, vous pourrez afficher ces données sur un graphique pour les comparer à vos échantillons d’eau prélevés sur les sites contaminés. »

Par exemple, le nitrate (y compris celui qui provient des engrais synthétiques) est mobile et peut s’infiltrer dans le sol où les plantes peuvent entrer en contact avec lui, puis pénétrer dans les eaux souterraines et dans les cours d’eau ouverts, selon M. Spoelstra.

Par contre, le fumier et certains autres engrais commerciaux comprennent une autre forme d’azote, l’ammonium, qui a tendance à adhérer aux particules du sol; pendant un certain temps, en tout cas. Éventuellement, les bactéries présentes dans le sol peuvent transformer l’ammonium en nitrate, qui peut s’infiltrer dans les eaux souterraines à travers le sol. Ces changements biologiques affectent les indices isotopiques que les chercheurs peuvent utiliser pour identifier une source, ce qui est difficile à faire uniquement à partir des isotopes.

En raison des limites de l’analyse de l’empreinte de l’engrais inorganique par rapport au fumier, des substituts ont également été utilisés pour les travaux de la CMI visant à déterminer les sources de phosphore dans le bassin du lac Érié, ce qui fût le cas dans le rapport de 2017 de la CMI intitulé Fertilizer and Manure Application in Western Lake Erie. Il s’agissait notamment des données sur les ventes d’engrais, des rapports sur l’épandage et l’utilisation des engrais ainsi que du calcul de la quantité de fumier produite par un certain nombre d’animaux d’élevage. Le rapport de la CMI souligne que les eaux usées et les sources industrielles et urbaines de phosphore sont généralement considérées comme représentant de 15 à 25 % des apports en phosphore dans le lac Érié.

Comme l’Ontario, le Michigan, l’Ohio, l’Indiana, la Pennsylvanie et l’État de New York cherchent à maîtriser les proliférations d’algues et la pollution par les nutriments dans le lac Érié, tout en faisant face à des problèmes liés à la qualité de l’eau ailleurs dans le bassin des Grands Lacs, ce type de suivi des sources pourrait être utile pour affiner leurs approches.

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Kevin Bunch

Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.

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