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Savoir autochtone : Un vécu et des perspectives précieuses, 2e partie

Rachel Carmichael Campbell
IJC
Diana Moczula
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Chrissy Chiasson
IJC
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« Savoir autochtone : un vécu et des perspectives précieuses » est une série en trois parties qui se penche sur le potentiel que représente le savoir autochtone en matière de renforcement de la gestion de l’eau en Amérique du Nord. Cette série repose sur des entrevues de personnes des deux côtés de la frontière, qui ont collaboré avec la Commission mixte internationale (CMI) et qui, soit sont Autochtones, soit ont une expérience de travail dans le domaine du savoir autochtone. La série vise à promouvoir une meilleure compréhension du savoir traditionnel autochtone, à articuler les avantages et les obstacles associés à l’intégration de ce savoir dans la gestion de l’eau, et à déterminer les bienfaits découlant de l’établissement de relations avec les peuples, les nations et les communautés autochtones. Il s’agit du deuxième article de la série et, pour en savoir plus sur le savoir autochtone, consultez le premier article.

Où en sommes-nous?

La CMI resserre sa collaboration avec les peuples autochtones dans ses travaux visant à accorder la priorité à l’inclusion de leur savoir. Au cours des dernières années, elle a réalisé des projets le long de la frontière canado-américaine, qui vont dans ce sens. Cet article est constitué d’entrevues de personnes qui parlent de leur expérience dans la réalisation des divers projets de la CMI.

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Gail Faveri et d’autres examinent du riz sauvage cueilli dans le bassin du lac des Bois et de la rivière à la Pluie. Crédit photo : Gail Faveri

Le Conseil du bassin du lac des Bois et de la rivière à la Pluie de la CMI et la Première Nation Seine River, une nation membre du Grand Council Treaty 3, ont collaboré à des projets dans le réseau de la rivière à la Pluie et du lac Namakan.

Gail Faveri, ex-membre du conseil d’administration de la CMI, parle des efforts déployés pour aller à la rencontre des Premières Nations, des tribus et des Métis du bassin afin de savoir ce qu’ils pensent de l’impact du niveau des eaux sur leurs intérêts : « Grâce à ces échanges, nous avons pu apprendre d’elles et commencer à bâtir une relation entre le conseil, la CMI et les peuples autochtones de la région. »

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Kelli Saunders est la coordonnatrice internationale de la Lake of the Woods Water Sustainability Foundation et l’ex-secrétaire du Rainy and Namakan Lakes Rule Curves Study Board. Crédit photo : Kelli Saunders

Ce partenariat entre le Conseil, la CMI et la Nation Anishinaabe du Traité n3 a lancé des projets destinés à améliorer les conditions des zones de frai de l’esturgeon jaune dans la région et du riz sauvage (Manoomin en anishinaabemowin). Le Conseil a continué de travailler en étroite collaboration avec les peuples autochtones et leurs dirigeants dans le bassin du lac des Bois et de la rivière à la Pluie afin de comprendre les conditions idéales du niveau d’eau et de répondre à ces besoins.

Les détenteurs du savoir autochtone ont transmis des indicateurs naturels qui pourraient être utilisés conjointement avec les données de température de l’eau relevées durant les périodes de frai de l’esturgeon jaune. Ils ont également collaboré avec le Rainy and Namakan Lakes Rule Curves Study Board (Groupe d'étude international sur les courbes d'exploitation du lac à la Pluie et du lac Namakan) en faisant part de leurs connaissances sur les conditions idéales pour la culture du riz sauvage et en recueillant des informations sur la façon dont les niveaux d’eau pourraient avoir une incidence sur les sites archéologiques et pictographiques.

Kelli Saunders, qui a été secrétaire du groupe d’étude, se souvient que « l’équipe de chargée de l’étude a grandement bénéficié des commentaires des communautés autochtones au sujet des répercussions des divers scénarios de régularisation du niveau d’eau sur le riz sauvage, le poisson, les ressources archéologiques et la végétation ».

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Wanda McFadyen est membre du Groupe d'étude international de la rivière Souris et du Comité des Premières Nations, des tribus et des Métis. Crédit photo : Wanda McFadyen

Dans le cadre de l’étude actuelle de la CMI sur les inondations de la rivière Souris, le Groupe d'étude international de la rivière Souris a travaillé avec les peuples autochtones du bassin pour intégrer leur savoir et leurs préoccupations.

En 2019, la CMI et le Conseil ont organisé une réunion inaugurale au Jardin international de la paix, à laquelle ont participé des membres de Premières Nations, de tribus et de la Nation métisse des deux côtés de la frontière.

« C’est la première fois que ces gens-là se réunissaient en tant que nations, par-delà la frontière, pour parler de la question de l’eau… C’était donc très important et très émouvant », déclare Wanda McFadyen, qui siège au Groupe consultatif public du conseil d’administration et au Comité des Premières Nations, des tribus et des Métis.

Les travaux visant à intégrer les connaissances autochtones et les voix autochtones se poursuivront tout au long de l’étude en cours dans le bassin.

Obstacles à la consultation publique

La CMI reconnaît qu’il existe de nombreux obstacles qui ont imposé et qui continuent d’imposer des limites au savoir autochtone et à la participation aux travaux de la Commission. La compréhension de ces obstacles et l’écoute de personnes ayant de l’expérience dans ce domaine contribueront à améliorer la collaboration future. 

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Le commissaire Henry Lickers est un citoyen haudenosaunee du clan de la tortue (nation Seneca). Crédit photo : CMI

Le commissaire de la CMI, Henry Lickers, un citoyen haudenosaunee de la Nation Seneca, estime qu’un des obstacles importants auquel nous nous heurtons est le manque de connaissances fondamentales sur les peuples autochtones.

 « Même si nous vivons côte à côte depuis 500 ans, vous ne nous connaissez pas », précise-t-il. Ses propos mettent l’accent sur l’importance d’intégrer une meilleure connaissance et une meilleure compréhension des peuples autochtones dans tous les contextes éducatifs et dans toutes les activités de collaboration, y compris les initiatives de gestion des bassins versants.

Wanda McFadyen aussi a parlé de la nécessité d’éduquer les gens sur l’histoire autochtone, sur les traités pertinents et sur les relations antérieures. Lucas King, qui travaille pour l’Unité de planification territoriale du Grand Council Treaty 3, abonde dans le même sens : « Il faut être là, avec les gens. Prenez le temps d’être là et d’apprendre. Parlez aux gens. Soyez curieux. »

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Arnie Marchand, membre des tribus confédérées de la réserve Colville, est un Indien Okanagan qui siège au Conseil de contrôle du lac Osoyoos, de la CMI. Crédit Photo : Arnie Marchand

Le manque d’éducation institutionnelle contribue au manque d’inclusion des voix autochtones dans les initiatives de gestion des bassins versants.

Pour Arnie Marchand, membre des tribus confédérées de la réserve Colville, Indien Okanagan et membre du Conseil de contrôle du lac Osoyoos de la CMI, « on ne fait que mettre le doigt sur cette question […] qui est le plus grand obstacle. » 

Les progrès réalisés pour inclure les voix autochtones sont importants et doivent se faire de façon réfléchie. Il souligne que « tout début est bon, et que chaque début prend du temps ».

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Lucas King travaille à l’Unité de planification territoriale au Grand Council Treaty 3. Crédit photo : Lucas King

Pour Lucas King, il est par ailleurs important d’avoir envie de changer et d’envisager des façons différentes de faire les choses. Cela exige de la souplesse, de l’humilité par rapport à ce que nous croyons savoir sur la gestion de l’eau et la capacité à « changer d’attitude ».

Cette souplesse permet d’éviter un autre obstacle commun, à savoir les délais stricts imposés aux projets, affirme M. King. Comment, en effet, parvenir à véritablement consulter les gens quand des échéances fermes limitent notre capacité à intégrer d’autres systèmes de savoir? »

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Kelsey Leonard, citoyenne de la Nation indienne de Shinnecock et membre du Conseil de la qualité de l’eau des Grands Lacs, se spécialise dans la gouvernance autochtone de l’eau. Crédit photo : Kelsey Leonard

Un autre obstacle, comme l’affirme Kelsey Leonard, membre du Conseil de la qualité de l’eau des Grands Lacs et citoyenne de la Nation indienne de Shinnecock, tient à ce que les représentants non autochtones n’accordent pas la valeur qu’il faut au savoir autochtone.

« Même si l’on reconnaît qu’il faut inclure ce savoir, c’est souvent pour la forme », dit Leonard.

Pour elle, cela pourrait venir d’un « manque de compréhension du savoir autochtone, de la façon d’établir authentiquement des partenariats communautaires et de la mobilisation conjointe des connaissances ».

Parmi les autres obstacles, mentionnons la « méfiance que les gardiens du savoir et les gouvernements autochtones ont de l’appareil gouvernemental », à cause d’un siècle d’exclusion de la gestion de l’eau en Amérique du Nord.

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Chris Paci est membre du Conseil de la qualité de l’eau des Grands Lacs. Crédit Photo : Chris Paci

Outre qu’il faut, selon lui, reconnaître la valeur du savoir autochtone, Chris Paci, membre du Conseil de la qualité de l’eau des Grands Lacs de la CMI, souligne qu’afin de parvenir à une intégration réussie de ce savoir autochtone : « il faut que les détenteurs du savoir se retrouvent dans le travail de la CMI, qu’ils voient un intérêt et des avantages à y participer. »

Quelle est la prochaine étape?

Malgré les obstacles à la collaboration ─ y compris ceux qui entravent le partage du savoir ─ la CMI continue d’accorder la priorité à la mobilisation des peuples autochtones.

La troisième et dernière partie de cette série explorera a manière dont on pourrait mieux intégrer le savoir autochtone dans les futurs travaux de la CMI.

Rachel Carmichael Campbell
IJC

Rachel Carmichael Campbell is a student analyst at the IJC’s Canadian Section office in Ottawa, Ontario.

Diana Moczula
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Diana Moczula is a junior policy analyst at the IJC’s Canadian Section office in Ottawa, Ontario.

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Chrissy Chiasson
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Christina Chiasson is a policy analyst for the Canadian Section of the IJC in Ottawa, Ontario.

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