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Préoccupations relatives à la pollution par l’azote dans les terres humides côtières des Grands Lacs

Experimental nutrient additions

Lorsque l’on parle de la charge en éléments nutritifs dans les Grands Lacs, c’est habituellement le phosphore qui fait les grands titres. Les proliférations d’algues qui affligent la partie ouest du lac Érié et la « zone morte » qui se forme dans la baie Green, par exemple, sont liées à un ruissellement excessif de phosphore des terres agricoles et urbaines. Cependant, l’étude que nous avons publiée récemment dans la revue Freshwater Science porte à croire qu’au moins un habitat important des Grands Lacs pourrait être touché par la charge en azote tout autant que par le phosphore.

Les terres humides côtières des Grands Lacs laurentiens sont des habitats essentiels pour beaucoup de plantes et d’animaux importants du point de vue écologique et économique. De plus, comme le reste des Grands Lacs, ces habitats sont exposés à la pollution par les éléments nutritifs issue de sources comme le ruissellement agricole et urbain ainsi que les rejets des installations de traitement des eaux usées. Néanmoins, il y a eu très peu de recherches sur la réaction des terres humides côtières des Grands Lacs à la pollution par l’azote et le phosphore.

Pour en savoir un peu plus sur cette question, nous avons réalisé des expériences visant à simuler divers scénarios de pollution par les éléments nutritifs en ajoutant des combinaisons d’azote et de phosphore à de petites zones (appelées substrats benthiques) de chaque terre humide. Nous avons ensuite mesuré la façon dont les algues croissaient sur ces substrats en réaction à l’ajout d’éléments nutritifs. Bien que les simulations aient été réalisées sur une petite échelle dans chaque terre humide, elles ont fourni beaucoup d’information sur la façon dont ces écosystèmes de terres humides peuvent réagir à la charge en éléments nutritifs.

 

Ajouts expérimentaux d’éléments nutritifs. Chaque disque rond est une surface qui est traitée avec une combinaison d’éléments nutritifs (de l’azote, du phosphore, une combinaison d’azote et de phosphore ou un témoin qui ne contient pas d’éléments nutritifs). La croissance des algues est mesurée sur chaque disque après trois semaines. Référence photographique : Jessica Kosiara
Ajouts expérimentaux d’éléments nutritifs. Chaque disque rond est une surface qui est traitée avec une combinaison d’éléments nutritifs (de l’azote, du phosphore, une combinaison d’azote et de phosphore ou un témoin qui ne contient pas d’éléments nutritifs). La croissance des algues est mesurée sur chaque disque après trois semaines. Référence photographique : Jessica Kosiara

L’analyse des résultats de 54 terres humides des lacs Michigan et Huron a révélé que c’était l’azote et non le phosphore qui avait l’effet le plus important sur la croissance des algues dans les terres humides. Quarante-trois pour cent des terres humides étudiées ont réagi au traitement à l’azote seul et 18 pour cent de plus ont réagi au traitement à l’azote lorsque du phosphore était également fourni. Deux terres humides seulement ont réagi à l’ajout du phosphore seul (36 pour cent n’ont réagi à aucun des traitements aux éléments nutritifs). Ce résultat diffère nettement de celui qui a été obtenu avec les autres habitats des Grands Lacs dans lesquels c’est généralement la charge en phosphore qui produit l’effet le plus important.

 

Résultats des ajouts expérimentaux d’éléments nutritifs dans 54 terres humides côtières. Les symboles rouges indiquent une réaction des algues aux ajouts d’azote, les symboles jaunes indiquent une réaction à l’ajout d’azote et de phosphore et les symboles bleus indiquent une réaction à l’ajout du phosphore seul. La taille du symbole indique l’importance de la réaction. Les réactions les plus importantes étaient généralement observées dans les terres humides du Nord qui étaient les plus vierges. Référence photographique : Freshwater Science
Résultats des ajouts expérimentaux d’éléments nutritifs dans 54 terres humides côtières. Les symboles rouges indiquent une réaction des algues aux ajouts d’azote, les symboles jaunes indiquent une réaction à l’ajout d’azote et de phosphore et les symboles bleus indiquent une réaction à l’ajout du phosphore seul. La taille du symbole indique l’importance de la réaction. Les réactions les plus importantes étaient généralement observées dans les terres humides du Nord qui étaient les plus vierges. Référence photographique : Freshwater Science

Le résultat le plus intéressant de l’étude, cependant, est peut-être que la réaction à nos ajouts expérimentaux d’azote était maximale dans les terres humides comprises dans les zones les plus vierges, comme celles qui sont situées le long de la rive nord du lac Michigan et du lac Huron. Le paysage y est principalement boisé et il y a peu d’agriculture ou de développement urbain. Il comprend certaines des terres humides de la meilleure qualité et les plus « naturelles » de la région. Par conséquent, la réaction aux ajouts expérimentaux d’azote observée dans ces terres humides illustre ce qui semble être leur vulnérabilité naturelle à la charge en azote. Par contre, les terres humides qui étaient entourées de terres agricoles et développées, comme celles de la baie de Saginaw et de la partie sud du lac Michigan, ont réagi beaucoup moins à l’ajout d’azote, sans doute parce que ces terres humides recevaient déjà beaucoup d’azote de ruissellement du paysage.

 

Des disques d’éléments nutritifs après trois semaines passées dans une terre humide côtière. Les trois tasses de gauche sont des témoins (pas d’éléments nutritifs ajoutés) et les trois à droite contenaient de l’azote ajouté. La croissance d’algues a été stimulée par l’ajout expérimental d’azote. Référence photographique : Jessica Kosiara
Des disques d’éléments nutritifs après trois semaines passées dans une terre humide côtière. Les trois tasses de gauche sont des témoins (pas d’éléments nutritifs ajoutés) et les trois à droite contenaient de l’azote ajouté. La croissance d’algues a été stimulée par l’ajout expérimental d’azote. Référence photographique : Jessica Kosiara

Les types d’algues qui croissent dans les terres humides semblaient également être influencés par la charge en azote. Par exemple, les algues qui ont des adaptations particulières qui leur permettent d’utiliser l’azote de l’atmosphère (qu’on appelle les algues fixatrices d’azote) étaient surtout communes dans les terres humides les plus vierges et moins nombreuses dans les terres humides qui reçoivent de l’azote du ruissellement des terres agricoles et urbaines avoisinantes. Cela tend à confirmer notre hypothèse selon laquelle les terres humides côtières des Grands Lacs sont naturellement sensibles à la charge en azote et la pollution par les éléments nutritifs du paysage peut modifier les communautés d’algues de ces habitats.

Les algues sont une importante source d’énergie pour une bonne partie du réseau alimentaire des terres humides côtières des Grands Lacs, de sorte que les effets associés à la charge en azote peuvent avoir de vastes conséquences. Par exemple, la stimulation d’une croissance d’algues excessive entraînée par la charge en azote peut causer une accumulation de matière organique à mesure que les algues croissent puis meurent et s’accumulent dans les sédiments. À mesure que cette matière organique se décompose, l’oxygène contenu dans l’eau est consommé, de sorte que l’habitat devient moins adéquat pour ses populations de poissons.

À l’heure actuelle, la gestion est très peu axée sur la charge en azote d’origine humaine dans les Grands Lacs. Par exemple, l’Accord sur la qualité de l’eau dans les Grands Lacs conclu entre les États-Unis et le Canada et visant à restaurer et à protéger les eaux des Grands Lacs comprend des cibles bien précises pour la charge en phosphore de chacun des Grands Lacs. L’Accord établit un cadre essentiel pour la mise en œuvre de programmes ayant pour but de maintenir ou d’améliorer la qualité de l’eau. Il ne traite cependant pas de la charge en azote – et les concentrations d’azote continuent à croître partout dans les Grands Lacs. Les conséquences de cette accumulation d’azote pour la totalité de l’écosystème ne sont pas claires, bien que les répercussions néfastes sur les terres humides côtières semblent être un risque qui devrait faire l’objet de recherches plus approfondies.

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