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Les plans binationaux exigent une réduction de 40 % des éléments qui nourrissent les algues

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Kevin Bunch
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L’image satellite
L’image satellite montre une prolifération d’algues bleues assez légère en 2004, à gauche, et une prolifération empirée en 2011, à droite. L’objectif des plans binationaux de réduction des éléments nutritifs est d’empêcher, la plupart des années, que les proliférations soient pires que celle observée en 2004. Source : Image du spectromètre imageur à moyenne résolution de l’Agence spatiale européenne, traitée par la NOAA/NCCOS.

Les gouvernements du Canada et des États-Unis ont chacun publié un plan d’action national pour lutter contre la prolifération d’algues dans le lac Érié et pour réduire les apports d’éléments nutritifs au lac.

Les gouvernements espèrent réduire la quantité de nutriments qui aboutit dans le lac Érié de 40 % par rapport aux niveaux de 2008 d’ici 2025 – notamment le phosphore total et le phosphore réactif soluble (qui se dissout dans l’eau et qui est facilement utilisable par les plantes). L’effort vise à réduire la taille et l’intensité des proliférations d’algues (y compris de cyanobactéries toxiques) dans le bassin ouest et à diminuer les zones hypoxiques – à faible teneur en oxygène – dans le centre du lac.

Chaque pays a élaboré un plan pour atteindre l’objectif. Le gouvernement du Canada a établi et diffusé un plan commun avec la province de l’Ontario, qui a été publié en février après une période de consultation publique en 2017. Le plan des États-Unis résumant les mesures fédérales et étatiques a été publié en mars. Il repose en partie sur les ébauches des plans du Michigan, de l’Ohio, de la Pennsylvanie et de l’Indiana.

Les plans décrivent les mesures que chaque gouvernement peut prendre pour appuyer les efforts de réduction du phosphore et indiquent les domaines où de nouvelles mesures législatives pourraient renforcer l’action. En outre, ils engagent le Canada et les États-Unis à effectuer des recherches sur les charges de phosphore dans le bassin oriental du lac Érié et à déterminer les réductions que les pays devraient viser à l’avenir pour contrer la croissance excessive d’algues Cladophora. L’évaluation triennale des progrès publiée par la CMI en novembre comprenait plusieurs recommandations sur la question des éléments nutritifs à l’intention des gouvernements. Le rapport indique que les efflorescences se sont aggravées au cours des dernières années, malgré les programmes agricoles volontaires visant à réduire les charges de phosphore. Les deux plans d’action nationaux reposent sur des programmes et des initiatives volontaires de réduction et comportent peu de mesures obligatoires.

La CMI a déjà recommandé des cibles de charge en 2014 dans le rapport de la Priorité de l’écosystème du lac Érié (PELE). La Commission estime que les connaissances actuelles sont suffisantes pour justifier un engagement immédiat dans la réduction des apports externes d’éléments nutritifs au lac Érié. En particulier, la CMI désigne le phosphore réactif dissous (PRD) comme principale préoccupation et indique que des mesures correctives doivent être appliquées en priorité dans le bassin versant de la rivière Maumee; pour ce faire, elle recommande une réduction de 37 % pour la période du printemps (mars à juin) par rapport à la moyenne de 2007 à 2012.

Le plan Canada-Ontario engage la province et le gouvernement fédéral à améliorer la planification des bassins hydrographiques en resserrant les liens avec les municipalités, les offices de protection de la nature et les collectivités autochtones, afin de déterminer les sources de phosphore et les meilleures façons de réduire la quantité de phosphore qui atteint l’eau et afin de restaurer les terres humides et d’autres obstacles naturels qui empêchent le phosphore de se répandre dans les eaux libres du lac Érié. Le plan comprend des propositions précises pour encourager des changements dans la gestion et l’infrastructure des eaux usées en zones urbaines ainsi que des pratiques agricoles. 

Canada-Ontario

Le plan des États-Unis fait écho au plan canadien à de nombreux égards. Il repère les secteurs où de nouveaux règlements seront nécessaires et détermine ceux où les gouvernements pourraient renforcer les programmes volontaires et rétablir les cours d’eau et les milieux humides, dans la mesure du possible. Ce plan d’action souligne qu’il existe de nouvelles technologies qui pourraient contribuer à réduire les charges de phosphore dans l’eau et qu’il faut recueillir davantage de données sur les formes de phosphore les plus biodisponibles – ce qui pourrait aider à déterminer les sources potentielles. Certains États ont plus de travail à faire que d’autres; tandis que le Michigan, l’Ohio et l’Indiana travaillent à des réductions dans les bassins occidental et central du lac Érié, la Pennsylvanie contribue très peu à la pollution par les éléments nutritifs du bassin central. En outre, le plan mentionne que cet État prévoit atteindre ses objectifs sans grande difficulté. New York a des sources de phosphore agricoles et municipales qui peuvent contribuer à la pollution du lac Érié, mais le plan indique que la quantité de phosphore qui atteint le lac à partir de l’État est insuffisante pour nuire à la qualité de l’eau; il est néanmoins prévu de réduire les charges de phosphore.

Dans les milieux urbains, la plupart des sources ponctuelles de polluants – comme les usines de traitement de l’eau ou les sites industriels – ont déjà connu des réductions draconiennes du phosphore depuis les années 1970. Il reste des sources diffuses ou « sources non ponctuelles ». Il peut s’agir de polluants provenant de débordements d’égouts ou de déchets emportés dans le réseau d'aqueducs pendant une tempête.

Canada-Ontario L’Ontario vise à établir une limite légale de 0,5 milligramme de phosphore total par litre d’effluent provenant des usines municipales de traitement des eaux usées, qui traiteront 3,78 millions de litres d’eau chaque jour d’ici 2020. L’Ontario travaillera également avec les municipalités pour moderniser ces usines de traitement de l’eau, réduire le nombre de débordements d’égouts unitaires grâce à des améliorations aux infrastructures et promouvoir des infrastructures vertes qui peuvent contribuer à réduire le ruissellement. Les collectivités de London et de Leamington ont des objectifs précis de modernisation des installations de collecte des eaux usées, et London compte séparer le réseau d’égouts pluviaux de celui d’égouts pluviaux. US Les États-Unis misent sur des améliorations et des méthodes peu coûteuses d’optimisation des usines de traitement de l’eau pour réduire les rejets de phosphore, tout en encourageant les investissements dans les infrastructures vertes pour réduire les eaux de ruissellement.

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US

Les États-Unis veulent également repérer et réparer les systèmes de traitement des eaux usées domestiques qui ne fonctionnent pas, qui peuvent déverser du phosphore dans les eaux de surface et les eaux souterraines; ils cherchent à intégrer des considérations relatives aux bassins versants dans la planification de l’aménagement du territoire, à établir des zones tampons pour intercepter le ruissellement et à éliminer progressivement les applications résidentielles d’engrais au phosphore.

L’agriculture en Ontario a évolué, et le plan d’action canadien prend acte de la réduction des cultures de foin et de blé. Ces cultures de couverture peuvent aider à empêcher le sol et les éléments nutritifs de se répandre dans le réseau hydrographique pendant la fonte printanière. Dans son plan d’action, le Canada encourage les agriculteurs à planter des cultures de couverture pour aider à conserver le sol. Le gouvernement prévoit également encourager davantage les pratiques de gestion exemplaires volontaires, afin d’inciter les agriculteurs à en utiliser plusieurs à la fois, le cas échéant. L’Ontario travaillera avec les collectivités pour restaurer les milieux humides indigènes et les habitats riverains, en ciblant les zones où les charges de phosphore sont élevées et où la couverture naturelle est faible.

Le plan américain mise sur les cultures de couverture et la rotation des cultures afin de réduire l’érosion du sol, et il encourage la réduction des applications d’éléments nutritifs sur le sol gelé, les sols saturés et avant les grandes pluies – ce que l’Ontario envisage de faire par voie législative. Une grande partie du plan des États-Unis repose sur les pratiques de gestion exemplaires volontaires (tout en prévoyant l’évaluation de l’efficacité de façon suivie), et ne demande pas de nouveau règlement à l’échelon fédéral. Le plan indique qu’environ 99 % des fermes du bassin ouest du lac Érié utilisent déjà au moins une pratique de conservation, mais que les agriculteurs devront en mettre en œuvre plusieurs pour réaliser des progrès.

Sur le plan législatif, le Canada prépare des changements à son Règlement sur les aliments du bétail qui élimineraient les concentrations minimales d’éléments nutritifs, ce qui donnerait à l’industrie plus de souplesse pour réduire la quantité de phosphore dans les aliments pour animaux, quand une telle décision est logique.

À l’échelon fédéral, les États-Unis travaillent à divers programmes de recherche et de modélisation, ainsi qu’à une aide financière et à une aide à la planification pour les pratiques de conservation dans le contexte de la Farm Bill (loi sur les fermes) et de l’Initiative de restauration des Grands Lacs. Ces mesures peuvent aider les intervenants locaux et les gouvernements des États à atteindre leurs objectifs respectifs de réduction du phosphore.

Malgré les efforts de réduction des éléments nutritifs, les organismes gouvernementaux seront toujours aux prises avec les changements climatiques, lesquels risquent de modifier la fréquence et la gravité des pluies, qui pourront charrier davantage d’éléments nutritifs dans le réseau hydrographique, de susciter de nouvelles sources de phosphore et de changer la quantité d’éléments nutritifs déjà présents dans le lac. Pour y faire face, les deux pays suivent les principes de « gestion adaptative » dans leur plan d’action national. Cela signifie que l’Ontario, les États et les gouvernements fédéraux réviseront régulièrement les plans d’action nationaux à mesure que les connaissances sur l’écosystème s’amélioreront et que les efforts seront déployés pour réduire les charges de phosphore.

Les gouvernements ont élaboré les plans en application de l’annexe 4 de l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs, qui traite des éléments nutritifs et des proliférations d’algues.

Un rapport sur l’épandage d’engrais de la CMI, publié en février, a permis de constater des lacunes dans la collecte d’informations, la politique et la gestion qu’il faut corriger afin de mieux comprendre la question des éléments nutritifs. Il pourrait s’agir de modifier le travail du sol, la gestion des cultures et le drainage par canalisations dans les zones agricoles. Il pourrait aussi s’agir de réviser les cibles de phosphore à mesure que le climat évolue et qu’il devient éventuellement plus humide.

L’évaluation triennale des progrès de la CMI a repris la recommandation faite en 2014 que l’Ohio déclare que le bassin ouest du lac Érié est dégradé sous le régime de la Clean Water Act (loi fédérale américaine sur la protection de l’eau), ce qui déclencherait l’imposition d’une charge quotidienne maximale en éléments nutritifs pour le Michigan, l’Ohio et l’Indiana. Le Michigan a déclaré sa partie du lac dégradée en 2016. L’Ohio a suivi en mars 2018.

Si les niveaux réduits de phosphore visés par les mesures nationales sont atteints, les gouvernements espèrent limiter au minimum les zones mortes hypoxiques, réduire considérablement les conditions de prolifération pour les ramener à celles observées en 2004 et 2012, ou à des conditions meilleures, et maintenir la biomasse des cyanobactéries suffisamment petite pour qu’elle ne présente pas de menace pour la santé des humains ou de l’écosystème.

 

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Kevin Bunch

Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.

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