Vous êtes-vous rendus sur les bords d’un des Grands Lacs cet été? La plage vous a-t-elle paru propre et propice à la baignade et aux loisirs? Peut-être n’avez-vous trempé qu’un orteil dans une eau boueuse ou pleine de débris flottants peu ragoûtants. Ou, au contraire, vous avez vu flotter un pavillon bleu rassurant, signe que les lieux se prêtaient à une super « bombe » dans le lac?
Il incombe aux gérants des plages de surveiller la qualité de l’eau et d’indiquer si elle est « propice à la baignade » afin que les visiteurs sachent s’ils peuvent fréquenter les lieux sans problème. Les propriétaires, les exploitants et les gérants de plage au Canada et aux États-Unis surveillent régulièrement les indicateurs météorologiques et de santé publique (comme la présence de certaines bactéries du genre E. coli) afin de s’assurer que les plages sont sécuritaires et salubres pour les loisirs pendant les mois d’été. De plus, ils peuvent mener des enquêtes annuelles ou de routine sur la sécurité et l’hygiène du milieu, cela en tant que pratique exemplaire en matière de gestion des risques pour la santé publique.
Aux États-Unis, on parle de Beach Sanitary Surveys tandis qu’au Canada, il s’agit des enquêtes sur l’hygiène et la sécurité du milieu. Ces enquêtes consistent à effectuer des relevés systématiques relatifs à la sécurité des eaux et aux sources de pollution qui risquent d’avoir un impact sur les plages à usage récréatif.
Un rapport récent du Conseil consultatif des professionnels de la santé de la CMI, rédigé en collaboration avec la Great Lakes Beach Association, souligne l’utilisation des relevés environnementaux des plages du bassin.
Ces relevés, qui doivent être réalisés chaque année, aident les gérants des plages à cerner les menaces à la qualité de l’eau, les problèmes de sécurité et les solutions envisageables pour régler les problèmes de pollution. Les enquêtes sur la sécurité et l’hygiènes sont un moyen important de mieux protéger l’utilisation des Grands Lacs afin de les rendre plus sécuritaires et plus propices à la baignade, ce qui est d’ailleurs l’un des objectifs généraux énoncés à l’article 3 de l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs.
Un projet, mené conjointement par le Conseil consultatif des professionnels de la santé et la Great Lakes Beach Association, a examiné la façon dont les gérants des plages, au Canada et aux États-Unis utilisent les enquêtes sur la sécurité et l’hygiène du milieu pour comprendre les menaces pour l’environnement et la santé humaine qui pèsent sur leurs plages et voir si les résultats permettent d’orienter les mesures de gestion visant à rendre les plages plus « propices à la baignade ». Les questionnaires ont été distribués à l’été 2019 et au début de 2022.
Dans l’ensemble, les gérants de plage qui ont répondu au questionnaire représentaient 1 155 plages dans les bassins des Grands Lacs en Ontario et aux États-Unis. La plupart des répondants (68 %) ont indiqué qu’ils menaient régulièrement des enquêtes annuelles, 11 du côté canadien et 23 du côté plages américain.
Les gérants de plage échantillonnent régulièrement la qualité de l’eau sur leurs plages et mesurent les marqueurs de risques pour l’environnement et la santé, comme la présence de bactéries E. coli. La qualité et l’état quotidiens de l’eau sont communiquées au public de différentes façons, notamment grâce à des pavillons ou à des panneaux indicateurs en bordure de l’eau, et à des publications sur des sites Web ou dans des applications. Quand la qualité de l’eau répond aux normes applicables en matière de santé humaine, la plage peut rester ouverte. Dans le cas contraire, les gestionnaires publient des avis d’interdiction de baignade et, dans les cas extrêmes, ils peuvent carrément fermer la plage aux activités récréatives jusqu’à ce que la qualité de l’eau s’améliore.
Toutefois, la surveillance de routine ne permet pas nécessairement de déterminer la cause ou la source de la pollution qui force à la condamnation d’une plage. Les enquêtes sur la sécurité et l’hygiène du milieu sont un outil utile qui peut aider les gérants de plage à recenser les sources de pollution et les menaces pour la santé. Les enquêtes fournissent également des renseignements importants sur la sécurité et éclairent la planification à long terme, notamment pour ce qui est des mesures visant à régler les problèmes de pollution recensés. Et puis, les enquêtes sont utiles aux experts de la santé publique et aux gérants de plage pour les aider à créer des modèles prédictifs en matière de qualité de l’eau.
Parmi ceux qui ont répondu au questionnaire, la plupart des gérants de plage (59 %) ont indiqué se servir des enquêtes sur la sécurité et sur l’hygiène pour tenter d’identifier les sources de pollution fécale. Ils ont précisé à cet égard que les excréments d’oies et de goélands, le voisinage d’aires de stationnement, le ruissellement des eaux pluviales et la résurgence des eaux usées sont les sources les plus courantes de pollution fécale affectant leurs plages. Cependant, beaucoup de gérants de plage n'ont été en mesure d’identifier que certaines sources de pollution fécale sur leurs plages, 29 % seulement d’entre eux connaissant ces sources de pollution. Plus de la moitié (58 %) des répondants ont déclaré que les enquêtes leur avaient permis de repérer la menace potentielle que la prolifération d’algues sur les plages représente pour la santé.
Les dix principales menaces potentielles pour la santé mentionnées par les répondants aux enquêtes sur la sécurité et sur l’hygiène selon la figure 4 du rapport conjoint du Conseil consultatif des professionnels de la santé et de la Great Lakes Beach Association.
L’identification des sources de pollution est une dimension appréciable des enquêtes sur la sécurité et l’hygiène du milieu parce qu’elle peut guider les actions que les gérants de plage peuvent prendre pour régler les problèmes rencontrés et protéger la santé publique. Près de deux gérants de plage sur trois (65 %) ayant rempli le questionnaire ont déclaré que leur enquête annuelle sur la santé et l’hygiène du milieu les avait amenés à prendre des mesures pour remédier aux problèmes de pollution.
Étant donné que les excréments d’oies et de goélands constituaient l’une des principales menaces signalées dans les relevés annuels, la plupart des gérants de plage ont adopté des mesures visant à contrôler la sauvagine avant d’entreprendre des aménagements paysagers et des activités de nettoyage du sable. Les réponses au questionnaire font état de nombreux cas où ces mesures ont permis d’améliorer ou de régler entièrement le problème, d’après les résultats des enquêtes sur la santé et l’hygiène du milieu menées après la mise en œuvre des solutions.
Types d’activités d’atténuation recommandées à la suite de la tenue des enquêtes annuelles sur la sécurité et l’hygiène du milieu, selon la figure 6 du rapport conjoint du Conseil consultatif des professionnels de la santé et de la Great Lakes Beach Association.
Le rapport présente des études de cas comme celle du parc et de la plage Bluffer de Toronto (Ontario), où les constats ont conduit à une surveillance accrue de l’E. coli et au suivi des sources de pollution fécale, activités qui ont aidé à orienter les efforts de contrôle et de restauration. Une autre étude de cas de Racine (Wisconsin) montre comment les efforts de restauration ont permis d’améliorer la qualité de l’eau des plages et d’engendrer des retombées économiques positives pour la communauté locale.
Les relevés peuvent aider les gérants de plage à mieux assurer l’utilisation sécuritaire et la jouissance de toutes les plages des Grands Lacs. Mais qu’en est-il des 26 % d’entre eux qui ont répondu au questionnaire de la Commission en disant qu’ils ne font pas d’enquêtes annuelles sur la sécurité et l’hygiènes? Beaucoup ont fait remarquer que le manque de personnel et l’inadéquation du financement les limitaient dans leurs efforts pour mener de telles enquêtes, qu’elles soient de routine ou annuelles. Peu d’entre eux ont déclaré avoir utilisé des données provenant de projets scientifiques communautaires, et d’autres ont mentionné les répercussions de la COVID-19 sur leur capacité.
Le Conseil consultatif des professionnels de la santé et la Great Lakes Beach Association recommandent le versement d’un financement stable à long terme pour aider les gérants de plage à effectuer les enquêtes sur la sécurité et l’hygiène du milieu, ou les beach sanitary surveys, et le déblocage des ressources nécessaires afin que les gérants de plage appliquent les mesures de suivi qui s’imposent pour repérer et corriger les menaces à la santé publique, cela afin de favoriser une augmentation du nombre de plages des Grands Lacs jugées « propices à la baignade ».
Tous nos remerciements à Eric Hembrough pour sa contribution à cet article. Eric Hembrough a été stagiaire (2022) à la section américaine de la CMI à Washington, D.C.
Allison Voglesong Zejnati is public affairs specialist at the IJC’s Great Lakes Regional Office in Windsor, Ontario.