Le barrage de Milltown, vieux de 138 ans, situé près de l’embouchure de la rivière Sainte-Croix entre Calais (Maine) et St. Stephen (Nouveau-Brunswick), est en voie d’être déclassé et détruit.
La disparition du barrage de Milltown devrait permettre de restaurer la rivière à Salmon Falls et d’ouvrir de façon permanente quelque 5 kilomètres carrés (1,9 mille carré) d’habitat de frai du côté canadien pour divers poissons anadromes (espèces qui vivent dans la mer et qui retournent dans la rivière pour frayer), dont les gaspareaux, l’alose savoureuse, l’anguille d’Amérique et le saumon de l’Atlantique.
Phil Landry, porte-parole de l’exploitant du barrage, Énergie Nouveau-Brunswick (Énergie NB), a déclaré que Milltown est équipé d’une passe à poissons fonctionnelle que les gaspareaux et aloses empruntent pour accéder à l’habitat de frai, en amont. Cependant, cette passe a besoin d’une remise en état, tout comme l’ensemble du barrage de Milltown.
Le barrage dispose de sept génératrices hydroélectriques pouvant produire jusqu’à 4 mégawatts d’électricité, mais seulement quatre fonctionnent, nous a précisé M. Landry. Énergie NB devrait dépenser « des dizaines de millions de dollars » pour prolonger la durée de vie du barrage et pour améliorer la passe à poissons, afin que l’ouvrage soit un peu plus productif. Toujours selon M. Landry, comme le barrage ne donne que 0,8 % de la production du parc hydroélectrique de la société, sa remise en état n’est pas viable financièrement.
Pour démanteler ce barrage, Énergie NB doit obtenir les approbations du Canada et des États-Unis. La première étape du processus d’approbation au Canada consistera à déposer une demande d’étude d’impact environnemental (EIE) auprès du ministère de l’Environnement du Nouveau-Brunswick et de l’administration locale. Les documents en question donneront des précisions sur la proposition, sur ses répercussions environnementales potentielles et sur la façon d’atténuer les impacts les plus importants. Le dépôt de ce dossier, qui interviendra dans les prochains mois, marquera le lancement d’un processus officiel d’examen technique et de consultation.
M. Landry a ajouté qu’Énergie NB a tenu une journée portes ouvertes le 11 juillet à St. Stephen afin de prendre acte des préoccupations de la population et d’en tenir compte dans l’EIE. Certains se sont dits quelque peu préoccupés par l’impact de la disparition du barrage sur la valeur des propriétés riveraines, mais les représentants d’organisations locales, comme la Fédération du saumon atlantique, se sont montrés optimistes, précisant que l’élimination de barrages ailleurs a rarement été accompagnée d’une perte de valeur sur les berges. Les sédiments contaminés qui seront délogés par la démolition du barrage sont aussi préoccupants, et Énergie NB devra gérer cet aspect dans le cadre du processus de déclassement.
Dans le même ordre d’idée, la société envisage de poursuivre les discussions avec la nation Peskotomuhkati (Passamaquoddy) et les représentants locaux de St. Stephen et de Calais. M. Landry ajoute qu’Énergie NB est encore en train de déterminer quelles approbations sont exigées par les organismes américains responsables des ressources , au niveau des États et du fédéral.
L’EIE provinciale devrait être terminée d’ici la fin de 2019. Si le processus d’approbation se déroule sans anicroche, M. Landry estime que le déclassement pourrait commencer dès la fin de l’automne 2020, l’achèvement des travaux étant prévu pour le début de 2022. La manière exacte dont se fera le démentèlement sera précisée au cours du processus d’approbation, a-t-il ajouté, faisant remarquer que, pour les travaux de démolition, il faudra tenir compte du fait que le barrage n’a pas été construit comme les ouvrages modernes.
La nation Peskotomuhkati s’est déclarée « vivement encouragée » par la décision de démanteler le barrage et de restaurer Salmon Falls. La restauration a été une priorité de la nation dans ses discussions avec les gouvernements fédéral et provinciaux, et elle est vue comme une marque de reconnaissance du territoire traditionnel de la nation.
Pendant des siècles, les Peskotomuhkati ont compté sur la remontées du poisson dans le fleuve, bien avant que Milltown et d’autres barrages ne soient construits. L’an dernier, Ed Bassett, de la tribu des Passamaquoddy à Pleasant Point, a déclaré qu’avant qu’il n’y ait des barrages, des millions de poissons remonteraient la rivière pour nourrir les gens, mais aussi d’autres poissons, des animaux et des oiseaux comme l’aigle à tête blanche d’Amérique. Le gaspareau, en particulier, joue un rôle culturel et spirituel chez les Peskotomuhkati.
Le barrage de Milltown, érigé en 1881, est le plus ancien barrage hydroélectrique au Canada ainsi que la première centrale hydroélectrique construite par Énergie NB. L’ouvrage existait déjà quand le Traité des eaux limitrophes de 1909 est entré en vigueur. Dans les années 1930, à l’occasion de la reconstruction partielle de l’ouvrage, la CMI a émis des conditions d’exploitation dans son ordonnance de 1934. Le Conseil international du bassin de la rivière Sainte-Croix, qui rend compte à la CMI au sujet de l’exploitation du barrage, se renseignera plus à fond à propos des répercussions de la disparition du barrage sur le niveau d’eau, sur le débit et sur l’écosystème. Comme le déroulement du processus national sera suivi dans les deux pays, la CMI consultera au besoin les gouvernements du Canada et des États-Unis au sujet du démantèlement proposé.
Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.