L’article suivant est tiré d’un bulletin archivé. Consultez notre bulletin Eaux partagées.

Leçons à retenir des efforts de restauration de récifs dans le corridor Huron-Érié

kevin bunch
Kevin Bunch
Three people holding huge lake sturgeon

 

Three people holding huge lake sturgeon
Des chercheurs montrent un esturgeon jaune, espèce dont l’habitat de frai a rétréci dans le corridor Huron-Érié au cours du dern

Depuis 2004, neuf récifs artificiels ont été construits dans les rivières Sainte-Claire et Détroit. Ces récifs avaient pour but de remplacer l’habitat de frai détruit il y a des décennies lorsque les canaux de navigation ont été créés. Des problèmes inattendus sont apparus en cours de route, mais les personnes ayant participé à la réalisation de ces projets disent qu’elles ont appris ce qui a et n’a pas fonctionné et qu’elles ont appliqué ces leçons à de nouveaux projets.

Le premier récif d’essai, construit en 2004 près de Belle Isle dans la rivière Détroit, visait à stimuler l’accroissement des populations de poissons indigènes, en particulier de l’esturgeon jaune, du grand corégone, du chat-fou du nord et du doré jaune, selon un rapport publié en 2015. Depuis ce premier essai, les personnes qui travaillent aux récifs suivent un processus plus approfondi de sélection des emplacements et d’implantation. Elles obtiennent des conseils de spécialistes de la lutte contre la lamproie, pour s’assurer de ne pas bâtir d’habitat de frai convenant aussi à cette espèce, selon James Boase, biologiste spécialisé dans l’étude des poissons au Fish and Wildlife Service des États-Unis. Les lamproies, fort heureusement, ont ignoré le récif d’essai; il s’est avéré qu’elles préfèrent le récif naturel près des eaux en amont de la rivière Sainte-Claire.

Le récif d’essai était constitué de trois types de roches. À partir des données de surveillance de la fraie, les récifs suivants ont été fabriqués à l’aide de morceaux de 4 à 8 po (10 à 20 cm) de calcaire utilisé dans les matériaux de construction, qui s’est s’avéré le matériau le plus utile aux espèces indigènes. Les récifs naturels, établis le long des rivières avant le creusage des canaux, étaient aussi faits de calcaire.

La sélection des emplacements est un facteur important qui a été amélioré au fil des projets. Les récifs ont été construits parallèlement à l’écoulement de l’eau, afin de réduire le risque qu’ils soient perturbés par l’eau ou les sédiments entraînés en aval. Néanmoins, un récif artificiel construit depuis 2012 dans le canal du milieu de la rivière Sainte-Claire a été recouvert en grande partie par des sédiments au fil des années. M. Boase indique qu’environ les deux tiers du récif ont été enterrés, mais que le chat-fou continue d’utiliser les portions découvertes. Un autre récif construit à l’île Fighting en 2008 a montré des problèmes de sédimentation semblables dans sa partie est.

Researcher James Boase pulls up a gill net on the Detroit River
Le chercheur James Boase lève un filet maillant de la rivière Détroit. Source : United States Fish and Wildlife Service.

« Des scientifiques (spécialistes des rivières), de l’université du Michigan, et d’autres du Service géologique des États-Unis, à Denver, au Colorado, ont été invités à aider à préparer la sélection des emplacements et à étudier différentes formes de récifs et d’emplacements dans le corridor pour empêcher que [cette perte] se reproduise », dit M. Boase.

Ed Roseman, biologiste chercheur qui est spécialisé dans l’étude des poissons au Service géologique des États-Unis, a précisé que ces deux récifs avaient été construits de manière à traverser le canal, d’une rive à l’autre, dans l’espoir que les poissons remarquent leur présence. En raison des sédiments en suspension provenant de la rivière Thames en Ontario, du limon s’est néanmoins accumulé sur les récifs.

Le récif à l’île Fighting a été agrandi en 2013, du côté de l’île où la sédimentation ne causait pas d’ennuis, à la suite d’une fraie réussie chez l’esturgeon jaune, le corégone et le doré jaune, selon Claire Sanders, coordonnatrice du plan de mesures correctives à l’Office de protection de la nature de la région d’Essex.

« Ce fut un succès presque immédiat, rapporte Mme Sanders. C’était un projet emballant, comprenant un nombre considérable de partenaires, et c’était quelque chose qui n’avait jamais été fait auparavant, du moins pas du côté canadien. »

L’esturgeon jaune exige un cours d’eau rapide et des conditions particulières de récif pierreux pour que ses œufs restent oxygénés sans être emportés. Mais par-dessus tout, un fort courant d’eau aide à empêcher les sédiments de se déposer sur le récif. D’autres espèces indigènes ont profité des récifs notamment pour la fraie, dont le bar blanc, les meuniers, l’achigan à petite bouche et la truite.

M. Roseman indique qu’ils ont appris à étudier la dynamique du système afin de s’assurer que l’eau ne réussisse pas à déposer du limon ou à endommager les récifs. Des études toujours en cours recherchent une façon de maintenir et nettoyer à coût abordable ces récifs ensevelis du canal du milieu et de l’île Fighting sur une base régulière, peut-être tous les deux ans, pour permettre aux poissons de les utiliser à nouveau, selon M. Roseman. Les scientifiques de l’université du Michigan étudient la possibilité de recourir à des jets d’eau à haute pression pour dégager les sédiments, comme la technologie semblable qu’emploient les chasseurs de trésors sous-marins.

« De nombreux récifs dans les Grands Lacs et même ailleurs pourraient profiter de cette technologie », affirme M. Roseman.

L’argent doit aussi être pris en compte afin de pouvoir procéder à la sélection des emplacements. La United States Great Lakes Restoration Initiative a fourni des fonds par le passé pour des projets de restauration de récifs, mais ces subventions ne sont disponibles pour des travaux que si le récif visé a été construit du côté des États-Unis de la voie d’eau, précise M. Boase.

Le processus d’apprentissage se poursuit, aussi, et des travaux sont en cours sur un nouveau récif près de l’historique Fort Wayne à Détroit. Des travaux d’agrandissement sont en cours sur un récif d’essai, construit en 2015, afin d’y ajouter quatre acres. M. Boase remarque qu’il s’agit d’un segment profond à débit rapide par rapport à d’autres secteurs, de 40 à 55 pieds de profondeur, et que des navires de marchandises passent au-dessus périodiquement. Ces travaux devraient commencer au cours de l’automne 2017.

Selon M. Boase, il y a eu des préoccupations au départ au sujet des navires et de la probabilité qu’ils délogent le récif de Fort Wayne, mais le récif d’essai est demeuré intact et en excellent état. Le Service géologique des États-Unis a joué le rôle d’organisme responsable afin de déterminer comment l’eau s’écoule dans cette section de la rivière et son impact sur le limon et le mouvement des roches au fil du temps, tandis que le Fish and Wildlife Service s’est concentré sur la meilleure façon d’attirer des espèces cibles comme l’esturgeon. Le Fish and Wildlife Service fournit également des fonds par son programme côtier afin d’acheter d’autres roches pour poursuivre la construction du récif. Une fois la construction terminée, il est prévu de consacrer deux années à l’évaluation de l’efficacité du récif.

En ce qui concerne l’avenir, aucun autre travail ayant trait aux récifs de la rivière Détroit n’est prévu, mais M. Boase estime que les leçons tirées de la restauration des habitats, à partir des récifs construits jusqu’à maintenant, servent de guide pour la restauration de la ligne côtière autour de l’île Celeron et de l’île Stony dans la partie inférieure de la rivière Détroit.

M. Roseman affirme que les leçons acquises dans la rivière Détroit sont aussi appliquées ailleurs. Des fonds de la GLRI sont destinés à la restauration de la rivière Maumee afin d’y restaurer l’habitat de l’esturgeon jaune, d’abord en restaurant les terres humides dans la partie inférieure de la Maumee, en bâtissant une pisciculture pour y élever de petits esturgeons puis en ajoutant potentiellement des récifs artificiels. Des vétérans des projets touchant à la rivière Détroit travaillent avec le United States Army Corps of Engineers (USACE) en vue de contribuer à éclairer les travaux de restauration dans la rivière Ste-Marie, afin de déterminer la meilleure façon de relâcher l’eau par des ouvrages de compensation (de grandes vannes qui aident à assurer une suffisance d’eau pour les navires empruntant la rivière) afin de promouvoir la fraie dans les principaux rapides. Des scientifiques de la région de la rivière Niagara et même de la région de la Baltique en Europe ont pris contact pour connaître ce qui a fonctionné dans le corridor Huron-Érié, pour leurs propres projets de restauration, ajoute M. Roseman.

Par-dessus tout, il ajoute que le fait de vérifier systématiquement la situation dans l’eau avant et après la restauration des récifs s’est avéré la leçon la plus cruciale de toutes. Des douzaines d’autres récifs artificiels dans le bassin des Grands Lacs n’ont pas fait l’objet de suivis, et les chercheurs ignorent dans quel état ils se trouvent, ni même si les poissons les utilisent.

« La chose la plus importante est d’avoir la volonté d’oser une expérience risquée, affirme M. Roseman. Nous ne savions pas si les poissons allaient utiliser ces amoncellements de matériaux de pierres. Le seul moyen de le découvrir était de les surveiller. »

Les travaux ont été effectués grâce au partenariat de plus d’une douzaine d’organisations et d’organismes, selon Mme Sanders, connu sous le nom de la St. Clair-Detroit River System Initiative. Le CMI, ainsi que le Service géologique des États-Unis, le Fish and Wildlife Service, Pêches et Océans Canada, des organismes œuvrant pour l’environnement pour l’Ontario, le Michigan et l’Ohio, l’Office de protection de la nature de la région d’Essex, le ministère ontarien des Ressources naturelles et des Forêts et Environnement et Changement climatique Canada y ont participé. Parmi les partenaires se trouvent aussi la Première Nation de Walpole Island, Conservation de la nature, l’Université de Wayne State et l’Université de Toledo.

Kevin Bunch est rédacteur spécialiste des communications au bureau de la Section américaine de la Commission mixte internationale à Washington D.C.   

 

 

kevin bunch
Kevin Bunch

Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.

Abonnez-vous à notre bulletin !

Formulaire d'inscription