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La région des Grands Lacs doit adopter une approche coordonnée et cohérente en matière de changements climatiques

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Raj Bejankiwar
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Kevin Bunch
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À mesure que le climat change à l’échelle de la planète, les conditions dans les Grands Lacs se transforment aussi.  Au cours des prochaines décennies, on s’attend à ce que les Grands Lacs connaissent un réchauffement des eaux, des tempêtes plus fréquentes et plus intenses, une diminution de la couche de glace et de plus grandes fluctuations du niveau d’eau. Les Grands Lacs de 2021 sont différents de ce qu’ils étaient en 1960 ou de ce qu’ils seront en 2050.

Les Grands Lacs présentent une tendance cyclique sur plusieurs décennies selon laquelle le niveau d’eau augmente et diminue. Le niveau dépend principalement des précipitations, des apports des affluents et de l’évaporation dans l’atmosphère. En raison de la profondeur de certains lacs et de la taille du bassin versant des Grands Lacs, il faut de nombreuses années pour que l’eau des lacs d’amont se déverse dans le fleuve Saint-Laurent et dans l’océan Atlantique.

Pendant la majeure partie des années 2000 jusqu’aux environs de 2014, des conditions plus sèches dans toute la région ont fait en sorte que le niveau d’eau des lacs était inférieur à la moyenne, avant d’atteindre ensuite un niveau quasi record et un niveau record. Cela a eu pour effet de limiter le chargement des navires et l’accès aux marinas et aux quais, d’influer sur l’habitat du poisson et de la faune et de mener à des discussions sur la nécessité de draguer les chenaux de navigation.

Après 2014, les fortes précipitations causées par les tempêtes violentes et les importants apports printaniers des affluents (particulièrement en 2017 et 2019) ont entraîné des problèmes inverses, les lacs ayant atteint un niveau d’eau record ou quasi record, causant des inondations dans le bassin et des dommages aux maisons, aux marinas, aux entreprises et aux infrastructures.

Régularisation

Bien qu’il y ait deux principaux points de contrôle artificiels dans les Grands Lacs - les centrales électriques sur la rivière St. Marys et le barrage Moses-Saunders sur le fleuve Saint-Laurent - il y a d’importantes limites physiques à leur influence sur le niveau d’eau. Les structures de la rivière St. Marys et du fleuve Saint-Laurent ne peuvent influer sur le niveau d’eau que de quelques pouces au moyen d’un rajustement du débit de sortie, et cela, en tenant compte des conditions qui existent des deux côtés des structures.

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Vue en février 2021 du barrage Moses-Saunders, qui chevauche la frontière canado-américaine près de Cornwall, en Ontario. Photo : C. Smith, CMI

 

Dans chaque cas, les gouvernements du Canada et des États-Unis ont convenu de plans de régularisation précis et complexes (appelés Plan de 2012 et Plan de 2014) qui tiennent compte de tous les intérêts touchés dans la gestion de ce débit. Ces plans n’ont toutefois pas le dernier mot sur les conditions de l’eau dans un réseau aussi vaste. Mère Nature demeure aux commandes et, en fin de compte, c’est elle qui décide du cours que nous allons suivre.

Un niveau d’eau et des tempêtes plus extrêmes ont attiré l’attention du public dans les Grands Lacs sur les catastrophes que peuvent entraîner les changements climatiques. Même si nous ne savons pas ce que les années à venir nous apporteront, nous pouvons prévoir des scénarios probables et planifier en conséquence.

La CMI a préconisé une utilisation durable des terres riveraines et l’adoption de mesures de protection des rives. Il s’agit notamment d’exiger que les nouveaux bâtiments soient éloignés de l’eau, de déplacer ou d’élever les propriétés existantes au-dessus du niveau d’inondation et d’informer les acheteurs de maisons éventuels du risque d’inondation. Ces recommandations sont d’autant plus pertinentes que les tempêtes intenses alimentées par les changements climatiques causent l’élévation du niveau d’eau et l’érosion des rives. Bien que la gestion du débit de sortie réduise les risques d’inondation, il faut que tous les ordres de gouvernement planifient, préparent et mettent en œuvre des mesures efficaces pour réduire les conséquences d’un niveau extrême, qu’il soit haut ou bas.

Un niveau d’eau élevé ou bas ne constitue pas la seule menace des changements climatiques. Ceux‑ci semblent être un véritable multiplicateur de menaces, et la CMI et ses conseils les étudient depuis la fin des années 1980. Le premier rapport sur l'évaluation triennale des progrès (ETP) de la CMI publié en 2017 fournit une liste détaillée des projections liées aux changements climatiques et de leurs impacts environnementaux potentiels dans la région des Grands Lacs.

Le réchauffement de l’eau et les tempêtes extrêmes au printemps favorisent les proliférations d’algues nuisibles dans le lac Érié et dans les baies des Grands Lacs. Les eaux de ruissellement polluées par les tempêtes extrêmes ont créé une quantité excessive de nutriments et de bactéries dans les eaux littorales, créant ainsi des conditions optimales pour que ces organismes prospèrent. L’étendue des efflorescences cyanobactériennes a été saisie sur des images satellites pendant les années de floraison maximale. Ces proliférations causent des zones mortes dans le bassin central du lac Érié. Elles produisent également des cyanotoxines qui peuvent être mortelles pour les animaux de compagnie et la faune, et entraînent des problèmes de foie chez l’humain.

Coordination

Compte tenu de la gravité et de la complexité des répercussions des changements climatiques sur la quantité et la qualité de l’eau dans la région des Grands Lacs, tous les efforts visant à résoudre ces problèmes complexes et interreliés doivent être coordonnés entre les instances politiques et les organismes.

La CMI et ses conseils consultatifs préconisent depuis des années une telle approche coordonnée.

En 2003, le Conseil de la qualité de l’eau des Grands Lacs de la CMI a recommandé que les deux gouvernements élaborent et mettent en œuvre un plan d’adaptation aux changements climatiques pour le bassin. En 2017, le Conseil a décrit les mesures prises et a réitéré la nécessité d’un plan d’adaptation régional conjoint entre les deux pays. Le Conseil a constaté que diverses collectivités, divers organismes étatiques, provinciaux et fédéraux participaient à la planification des mesures d’adaptation et à l’exécution de stratégies visant à améliorer la résilience écologique dans la région. Malgré tout, on n’observait aucune perspective, approche ou stratégie régionale coordonnée. Le Conseil a conclu qu’une approche binationale coordonnée était nécessaire pour protéger la qualité de l’eau des Grands Lacs dans le contexte d’un climat qui change rapidement.

Leadership

Dans son plus récent rapport sur l'évaluation triennale des progrès de 2020, la CMI a fait écho aux conclusions du Conseil de la qualité de l’eau et exhorté les gouvernements à faire preuve de leadership mondial en élaborant une approche binationale d’adaptation et de résilience aux changements climatiques dans les Grands Lacs. La CMI a offert de faciliter la collaboration entre les gouvernements pour faire progresser les travaux en vue d’élaborer une stratégie binationale coordonnée

« Les gouvernements nous ont dit officieusement qu’il serait utile que notre recommandation précédente décrive les prochaines étapes avec plus de précision », peut-on lire dans le rapport.

« Par conséquent, afin d’aider les Parties à faire progresser les travaux en fonction d’une stratégie binationale coordonnée, la Commission propose d’exercer sa capacité de rassemblement pour cerner et explorer davantage les éléments essentiels d’une stratégie binationale d’adaptation et de résilience aux changements climatiques. »

« Les éléments que nous avançons comprennent une vision commune, une action coordonnée, la responsabilité, l’information et les connaissances, ainsi que des considérations portant sur la mise en œuvre. Nous espérons que cette contribution prévue, qui s’achèvera d’ici la fin de 2022, facilitera le dialogue binational entre les Parties et les dirigeants des Grands Lacs afin de faire progresser notre recommandation antérieure. »

Évaluation

L’adaptation aux changements climatiques est un aspect important de l’examen par la CMI des plans de régularisation utilisés pour établir le débit de sortie des lacs Supérieur et Ontario. Bien que les précipitations, le ruissellement et l’évaporation déterminent la hausse ou la baisse du niveau d’eau des Grands Lacs, la CMI travaille continuellement à optimiser les règles pour établir le débit de sortie de ces deux lacs.

Les règles sont fondées sur des études qui tenaient compte de différents régimes d’apport d’eau, mais il faudra peut-être les modifier si les futures sources d’apport d’eau diffèrent grandement de celles qui ont été prises en considération à l’époque. La CMI a mis sur pied un Comité de gestion adaptative des Grands Lacs (GAGL) et du fleuve Saint-Laurent pour surveiller l’évolution possible des tendances hydroclimatiques et des conditions socioéconomiques dans le bassin.

Le niveau d’eau a des répercussions différentes sur différents secteurs, et le Comité GAGL s’efforce d’améliorer les prévisions entourant ces répercussions face aux changements climatiques.

Chaque secteur a des besoins divers et parfois opposés. Le Comité GAGL s’efforce de fournir plus d’information et d’outils pour concilier les besoins de la navigation commerciale, de la navigation de plaisance et du tourisme, des utilisateurs d’eau municipaux et industriels, de l’hydroélectricité, des propriétaires riverains, ainsi que la protection des écosystèmes et des terres humides contre les inondations.

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Une kayakiste sur le lac Ontario. Photo : Gordo25/Shutterstock

 

Dans la foulée des inondations records de 2017 et de 2019, la CMI a demandé au Comité GAGL d’entreprendre un examen accéléré du Plan de 2014, le plan de régularisation du débit de sortie du lac Ontario, afin de déterminer les mesures immédiates qui pourraient être prises pour réduire les répercussions du niveau d’eau record des dernières années.

À mesure que les résultats des travaux du Comité GAGL sont connus, ils sont utilisés pour mieux éclairer la régularisation du débit de sortie du lac Ontario.

Les Grands Lacs sont au cœur de la vie culturelle, économique, écologique et récréative des résidents du Canada, des États-Unis et des nombreuses tribus et nations autochtones installées dans le bassin. Étant donné que les changements climatiques amplifient les effets d’autres problèmes touchant ces précieuses et fragiles ressources en eau douce, la CMI préconise des mesures binationales coordonnées afin de les protéger pour les générations futures.

Le présent article est adapté d’un texte paru dans le numéro de mars de la publication Great Lakes/Seaway Review.

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Raj Bejankiwar
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Rajesh Bejankiwar is a physical sciences officer at the IJC’s Great Lakes Regional Office in Windsor, Ontario.

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Kevin Bunch

Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.

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