Par Kevin Bunch, CMI
Le nombre de gaspareaux qui remontent la rivière Ste‑Croix pour se reproduire a explosé cette année, et dépasse radicalement les dénombrements des années récentes, ce qui augure bien pour le rétablissement de l’espèce.
En date du 20 juillet, le dénombrement total était de 157 750 gaspareaux qui sont entrés dans la rivière au barrage Milltown, situé près de l’embouchure de la rivière, à la frontière entre le Maine et le Nouveau‑Brunswick, selon Heather Almeda, gestionnaire de la Commission internationale du bassin de la rivière Ste‑Croix. En comparaison, 33 106 gaspareaux avaient été dénombrés en 2016 et 93 503 en 2015. La Commission du bassin a aussi dénombré 54 aloses savoureuses qui traversaient la passe à poissons en juillet, une autre espèce clé que les représentants officiels souhaitent voir revenir dans la rivière, mentionne Almeda.
Bradley Stuart, coordonnateur du programme de la Commission internationale du bassin de la rivière Ste‑Croix, dénombre les poissons qui traversent le barrage de Milltown. Mention de source : Heather Almeda
En 1995, l’État du Maine a adopté une loi qui prévoyait la fermeture des passes à poissons du côté américain de la rivière Ste‑Croix – aux barrages de Woodland et de Grand‑Sault (Grand Falls) en raison de la crainte que les gaspareaux aient des incidences négatives sur la pêche sportive à l’achigan. Par la suite, les populations de gaspareaux et d’aloses savoureuses qui pénètrent les eaux ont décliné de façon importante. Plus tard, des études ont confirmé que ces craintes n’étaient pas justifiées. La loi du Maine a été éventuellement modifiée en 2008 pour ouvrir la passe à poissons au barrage de Woodland; le barrage de Grand‑Sault était l’obstacle final du côté américain jusqu’à la réouverture de la passe à poissons en 2013. Depuis, Almeda signale que les populations se sont rétablies dans les milieux qui faisaient historiquement partie de l’habitat de frai des gaspareaux.
De plus, comme les gaspareaux continueront de revisiter la même rivière pour frayer, année après année, une fois qu’ils atteindront la maturité, les nombres devraient continuer à s’accroître annuellement à partir de maintenant, selon Harvey Millar, gestionnaire de la zone du Nouveau‑Brunswick pour le ministère des Pêches et des Océans du Canada (MPO).
Millar ajoute : « Ils reviennent lorsqu’ils ont quatre, puis cinq, six, sept ans et refont simplement le même parcours. À partir de maintenant, les nombres continueront d’augmenter rapidement. »
Millar fait remarquer que la nation Peskotomuhkati (Passamaquoddy) a collaboré étroitement à la réouverture de la rivière, avec le Fish and Wildlife Service des États-Unis et le MPO. La remontée des poissons anadromes (qui vivent en mer mais remontent vers les eaux douces pour frayer) n’est pas seulement importante pour la nation Peskotomuhkati comme source de nourriture et élément de leur culture, explique‑t‑il. Les poissons qui vivent principalement en mer ne présentent pas la même concentration de produits chimiques que ceux qui passent leur vie entière dans la rivière – ce qui rend leur consommation plus sécuritaire, dans des quantités plus grandes dans certains cas.
Les gaspareaux sont utilisés commercialement comme appâts pour le homard; ils sont aussi salés et vendus comme aliments, signale Almeda. Les poissons qui remontent de l’océan vers l’eau douce contribuent aussi à renforcer le réseau alimentaire dans la rivière, en fournissant des proies et des nutriments supplémentaires aux prédateurs comme les aigles, les balbuzards pêcheurs, les morues, les bars rayés, les tortues, les loutres et les saumons vivant dans la zone de la rivière Ste‑Croix.
Millar mentionne que la société Énergie Nouveau-Brunswick, propriétaire du barrage Milltown près de l’embouchure de la rivière, a aussi aidé à attirer le poisson vers la passe de Milltown en arrêtant l’une de ses turbines de travail durant la remontée afin de ne pas détourner les gaspareaux de leur parcours. La société d’électricité explore une nouvelle technologie pour attirer les gaspareaux vers la passe à poissons, ajoute Millar, et tente d’établir des méthodes efficaces pour permettre à des aloses supplémentaires de traverser – car ces poissons n’aiment pas la passe à poissons existante. D’autres espèces qui dans le passé remontaient la rivière Ste‑Croix pour frayer – le bar rayé et l’anguille – ne semblent pas utiliser les passes à poissons existantes (bien que l’anguille d’Amérique ait été observée en amont, malgré son aversion pour la passe à poissons) et par conséquent d’autres voies migratoires pourraient être requises pour fournir l’accès ou l’améliorer.
À l’avenir, Almeda fait savoir que la Commission souhaite déterminer l’étendue d’habitat convenable disponible après les barrages et avec quelle facilité le gaspareau – et l’alose savoureuse – peuvent les rejoindre. Des poissons seront marqués et un suivi de leur parcours dans la rivière sera effectué pour déterminer s’ils peuvent atteindre et utiliser les étangs et les lacs plus en amont.
« Les poissons doivent traverser six barrages après le barrage Milltown pour atteindre les multiples étangs et lacs. Contribuer à l’accroissement de la population est un aspect, mais le prochain défi consiste à aider le poisson à atteindre d’autres habitats » ajoute Almeda.
Millar fait savoir que des scientifiques du Canada et des États‑Unis échangent de l’information pour déterminer l’objectif du nombre de gaspareaux pour la rivière Ste‑Croix. Les estimations les plus récentes semblent indiquer que le réseau de la rivière Ste‑Croix pourrait éventuellement appuyer jusqu’à 50 millions de gaspareaux en amont du barrage Milltown, pourvu que le nombre de poissons qui remontent la rivière continue de croître comme il l’a fait au cours des dernières années.
Les dénombrements de poissons et une partie du projet de suivi sont financés par l’Initiative internationale sur les bassins hydrographiques de la CMI, et les rapports peuvent être consultés sur le site Web de la CMI.
Des échantillons d’écaille sont prélevés d’un gaspareau par des agents du Département des ressources marines du Maine. Cette année, le département a prélevé des échantillons de 55 poissons morts. Mention de source : Heather Almeda.
Kevin Bunch est rédacteur spécialiste des communications au bureau de la section américaine de la Commission mixte internationale à Washington, D.C.
Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.