La CMI à la Conférence des Nations Unies sur l’eau de 2023

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phare speaks during un side event 2023

Selon les Nations Unies (ONU), les eaux transfrontalières partagées par deux pays ou plus représentent plus de 60 % de toute l’eau douce de la planète, et plus de 3 milliards de personnes en dépendent. La coopération bilatérale et multilatérale est donc essentielle pour assurer l’accès à l’eau potable à travers le monde.

À l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, célébrée chaque année le 22 mars, les délégués de la plupart des 153 pays ayant des eaux transfrontalières se sont réunis à New York en vue de bonifier la coopération et d’accélérer le développement durable. Les commissaires et le personnel de la Commission mixte internationale (CMI) se sont dit honorés d’assister à cet événement de référence d’envergure internationale, et de mettre en exergue les contributions notoires des membres des conseils de la CMI dans les régions frontalières du Canada et des États-Unis.

Un rassemblement mémorable

La Conférence des Nations Unies sur l’eau, édition 2023, a été le deuxième événement de haut niveau sur l’eau douce organisé par l’ONU. Le premier, qui avait eu lieu en Argentine en 1997, avait abouti au Plan d’action de Mar Del Plata, une feuille de route détaillant l’engagement pris à faire en sorte que tous les établissements humains aient accès à l’eau potable et disposent d’installations sanitaires d’ici 1990.

Bien que cet objectif de 1990 n’ait pas été atteint, la communauté internationale s’est engagée maintes fois envers les objectifs d’accès à l’eau potable et d’assainissement des eaux. C’est peut-être en 2015 qu’il en a été le plus question, à la faveur de l’adoption par l’ONU du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et des 17 objectifs de développement durable (ODD), sans oublier 2016, avec l’adoption de la décennie d’action internationale sur l’eau (2018-2028) au titre du développement durable (Décennie d’action sur l’eau).

La conférence de trois jours a officiellement marqué le milieu de la Décennie d’action sur l’eau et a donné l’occasion à la communauté mondiale d’évaluer et d’accélérer les progrès sur la voie de la réalisation du Programme 2030. Le 6objectif (ODD 6), qui vise à assurer un accès universel à une eau propre et à l’assainissement des eaux, était particulièrement prioritaire, y compris pour ceux qui s’intéressent à la coopération transfrontalière. L’ODD 6, qui se décline en huit cibles et 11 indicateurs; constitue le fondement de l’évaluation des progrès.

delegates 2023 un water conference

Délégués lors d’une séance du Dialogue interactif sur la coopération transfrontalière et internationale dans le domaine de l’eau. Source : CMI.

Évaluation des progrès

À la veille de la conférence, l’ONU a prévenu qu’au rythme actuel, il sera impossible d’atteindre toutes les cibles du SGD 6.

D’un point de vue transfrontalier, la cible 6.5 revêt une importance toute particulière, car elle vise à mettre en œuvre le principe de gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) à tous les niveaux d’ici 2030, éventuellement par le biais de la coopération transfrontalière. Les progrès réalisés par rapport à cet objectif font l’objet d’un suivi par deux indicateurs qui mesurent, pour l’un, jusqu’à quel point la GIRE est appliquée et, pour l’autre, la proportion de bassins transfrontaliers disposant d’un dispositif opérationnel de coopération dans le domaine de l’eau.

La CMI joue un rôle essentiel en matière de coopération canado-américaine dans le domaine des eaux transfrontalières et d’atteinte de l’objectif 6.5. Cela est suggéré, par exemple, dans un rapport que le Canada a adresser à l’ONU en 2020 et dans le Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau 2023.

Bien que les Nations Unies n’identifient pas d’ententes opérationnelles admissibles pour les aquifères canado-américains, lors de la dernière évaluation, il a été établi que la superficie des bassins transfrontaliers canado-américaine couverte par un arrangement opérationnel était importante, avec environ 80 % de la superficie totale. Seulement 24 des 153 pays pour lesquels des données sont disponibles comptent 100 % de leurs bassins transfrontaliers visés par des accords de coopération.

La mise en œuvre de la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) présente également un intérêt pour la Commission, car elle s’harmonise avec l’engagement de la CMI à appliquer une approche écosystémique, notamment dans le cadre de son Initiative internationale sur les bassins hydrographiques (IIBH).

Si la mise en œuvre de la GIRE au Canada n’a pas été quantifiée en raison d’un manque de données, pas plus tard qu’en 2020, les États-Unis ont reçu une note globale de 77 % au chapitre de la mise en œuvre de la GIRE, ce qui est relativement élevé. Le Canada et les États-Unis ont maintenant l’occasion de communiquer des données à jour sur les progrès réalisés sur ce plan, car le processus de compilation des données 2022-2023 sur les indicateurs mondiaux de l’ODD 6 est en cours. Les pays ont jusqu’à la fin juin pour soumettre leurs données sur la coopération transfrontalière et jusqu’à la fin de septembre pour les données sur la GIRE.

Accélération des progrès

La Conférence des Nations Unies sur l’eau de 2023 a réuni plus de 2 000 participants et a culminé par l’adoption du Programme d’action pour l’eau qui comporte plus de 800 engagements volontaires visant à faire progresser le Programme 2030. La Coalition pour la coopération transfrontalière dans le domaine de l’eau fait partie des organisations s’étant engagées à promouvoir la collaboration entre les pays qui se partagent des eaux. Elle y parvient notamment en encourageant les États à signer deux conventions des Nations Unies qui enchâssent le devoir de coopérer dans le droit international. Le thème de la coalition a fait l’objet d’un événement parallèle officiel et de mentions par différents conférenciers lors de plusieurs autres événements. À ce jour, elle est soutenue par plus de 30 gouvernements et organisations.  

Les gouvernements du Canada et des États-Unis ont souligné l’importance de la coopération transfrontalière dans des déclarations officielles et ont fait un certain nombre d’annonces importantes en marge de la conférence.

Par exemple, dans sa déclaration nationale, le Canada souligne qu’il partage avec les États-Unis une longue histoire de gestion réussie de leurs eaux communes, et il a décrit la collaboration dans le cadre de l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs comme étant une réalisation exceptionnelle

En outre, prenant la parole dans le cadre du dialogue interactif sur la coopération transfrontalière et internationale dans le domaine de l’eau, le deuxième jour de la conférence, les États-Unis ont souligné l’importance de favoriser les accords de gestion transfrontalière des eaux de surface et souterraines, et d’envisager la possibilité d’une coopération transfrontalière afin de réduire le risque de différends entre les États. La troisième journée de la conférence a coïncidé avec une visite officielle au Canada du président américain Joe Biden, au cours de laquelle les deux alliés se sont engagés mutuellement à accroître la coopération transfrontalière dans le domaine de l’eau, en particulier dans les bassins des Grands Lacs, de la rivière Columbia et des rivières Elk-Kootenai et Kootenay.

Le rôle de la Commission

Le Canada et les États-Unis partagent la plus longue frontière internationale au monde, et la CMI a plus d’un siècle d’expérience dans la promotion de la coopération transfrontalière grâce à la recherche scientifique et au partenariat communautaire. L’expérience de la CMI est soulignée dans le document de réflexion intitulé : Dialogue interactif : L’eau pour la coopération : coopération transfrontalière et internationale dans le domaine de l’eau. Plus précisément, il a fait ressortir les points forts illustrés par les conseils de la CMI à l’échelle du continent, notamment la clarté, l’inclusivité et la capacité à évoluer.

La CMI est bien placée pour appuyer la coopération transfrontalière à l’échelle mondiale en communicant ses savoirs en matière de gestion des bassins versants et en s’inspirant des expériences acquises dans d’autres contextes transfrontaliers. La participation de la Commission à l’édition de 2023 de la conférence fait suite à sa participation à l’édition de 1977.

Dans le cadre d’un événement parallèle officiel organisé par la CMI, le président et commissaire canadien, Pierre Béland, s’est joint à Philip Weller de la International Water Fondation, à Vladimir Arana du Secrétariat international de l’eau et à Mark Fisher du Council of the Great Lakes Region pour souligner l’importance de la coopération dans le renforcement de la résilience aux changements climatiques dans les eaux transfrontalières.

Les commissaires Merrell-Ann Phare et Henry Lickers et le président et commissaire américain, Rob Sisson, ont également fait part de leurs points de vue pendant la conférence de 2023 et en marge de cette dernière.

Tous trois ont participé à un symposium organisé conjointement par le Women in Water Diplomacy Network et la CMI qui avait pour thème la nécessité de faire participer les femmes, les Autochtones et les autres groupes traditionnellement sous-représentés à la prise de décisions. Comme le souligne la Stratégie mondiale 2022-2027 du Réseau intitulée A Path Forward for Women, Water, Peace and Security: Women in Water Diplomacy Network Nile and Beyond Global Strategy 2022-2027 : le fait de veiller à ce que les pratiques de gouvernance de l’eau soient inclusives augmente la probabilité d’élaborer des solutions durables, durables et équitables. La Commission se réjouit à l’idée, dans l’avenir, de continuer à accroître la diversité de ses conseils d’administration et à appliquer une approche écosystémique à l’ensemble de ses activités.

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Oliver Dumville
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Oliver Dumville is a senior policy adviser with the IJC’s Canadian Section in Ottawa, Ontario.

Avni Solanki
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Avni Solanki is an engineering adviser with the IJC’s US Section in Washington, D.C., and a fellow with the American Association for the Advancement of Science.