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Ils viennent par vagues : seiches et météotsunamis dans les Grands Lacs

Le niveau d’eau des Grands Lacs fluctue généralement sur des périodes qui se calculent en mois ou en années. Mais des agglomérations bordant le lac Supérieur et le lac Michigan ont récemment vu le niveau changer de façon spectaculaire en quelques heures.

Le 4 septembre, le niveau du lac Supérieur près de Sault Ste. Marie, au Michigan, a varié de 65 pouces (1,65 mètre). Il a d’abord perdu 14 pouces (36 cm), puis en a gagné 51 (1,3 m), en moins de deux heures. Les rives ont été immergées, et l’eau a envahi des maisons du secteur de Cottage Lane à Sault Ste. Marie.

Au lac Michigan, l’eau a recouvert les quais de la marina de Petoskey.

À l’origine de cette dénivellation, un phénomène qu’on appelle la seiche.

La seiche est une longue vague causée par une perturbation atmosphérique qui pousse l’eau et la force à s’accumuler d’un côté du bassin, comme l’eau dans une baignoire. Une fois la tempête passée, l’eau accumulée revient, et le ballottement se poursuit sur des heures et parfois des jours.

On confond souvent les seiches et les marées. Des marées d’une amplitude inférieure à 2 pouces (5 cm) se produisent deux fois par jour dans les Grands Lacs, mais le niveau d’eau est surtout le jeu d’effets météorologiques.

 Mosaïque radar (réflectivité), montrant les conditions de pluie sur le lac Michigan le 4 septembre 2014, à 13 h 55, heure de l’Est. Les couleurs vont du bleu foncé (indiquant peu ou pas de précipitations) au rose foncé (indiquant une pluie forte). Carte : National Climatic Data Center de la NOAA.
Mosaïque radar (réflectivité), montrant les conditions de pluie sur le lac Michigan le 4 septembre 2014, à 13 h 55, heure de l’Est. Les couleurs vont du bleu foncé (indiquant peu ou pas de précipitations) au rose foncé (indiquant une pluie forte). Carte : National Climatic Data Center de la NOAA.

La seiche de septembre a été causée par une tempête qui est passée d’ouest en est sur la partie nord du lac Michigan, la haute péninsule de l’État du Michigan et l’extrémité orientale du lac Supérieur.

La tempête se déplaçait à une vitesse d’environ 30 mètres par seconde, ou 67 milles à l’heure, indique Eric Anderson, spécialiste des sciences physiques au Laboratoire de recherche environnementale des Grands Lacs (Great Lakes Environmental Research Laboratory) à Ann Arbor, au Michigan.

Le Laboratoire est un centre de recherche de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA). On y élabore des modèles pour améliorer les prévisions météo et les prévisions pour la navigation concernant les lacs et les voies interlacustres.

Comment se produit la seiche. Illustration : Great Lakes Environmental Research Laboratory, NOAA.

Comment se produit la seiche. Illustration : Great Lakes Environmental Research Laboratory, NOAA.

[Traduction du texte dans l’image

wind = vent

high water due to wind set-up = exhaussement sous l’effet du vent

still water level = niveau de l’eau calme

Wind setup is a local… = La dénivellation due au vent est un exhaussement localisé de l’eau sous l’effet du vent.]

 

Anderson commente : « Les seiches sont un phénomène courant dans les lacs, avec effets bénins ou destructeurs, selon l’intensité de la perturbation atmosphérique. »

Au moyen de son Great Lakes Coastal Forecasting System (GLCFS), ensemble expérimental de modèles informatiques, le Laboratoire de recherche environnementale à Ann Arbor a prévu la plus récente seiche, mais sous-estimé son intensité.

« Pour prévoir l’effet des tempêtes sur un lac, nous nous reposons sur les conditions au-dessus de l’eau, sur lesquelles nous savons peu de choses », explique Anderson.

La vitesse et la direction du vent sur le lac sont mal connues, notamment. Autour des lacs, il y a des stations météorologiques terrestres, ainsi que des stations aux aéroports et des services gouvernementaux. Pour l’essentiel, on ne peut estimer les conditions au-dessus de l’eau qu’à partir des données qu’ils fournissent. Et à l’insuffisance d’informations s’ajoute l’incertitude entourant la prévision de ces conditions.

La vitesse du vent mesurée aux stations terrestres au cours de la seiche de septembre a grimpé à 30 noeuds (presque 35 milles ou 56,3 km à l’heure), et la pression a chuté brutalement sur une période de 18 minutes.

« Une tempête qui modifie fortement la vitesse du vent et la pression atmosphérique crée la seiche en poussant l’eau d’un côté du lac, voilà comment ça se passe », indique Anderson.

En haut et ci-dessus : Une seiche frappe Canal Park à Duluth, au Minnesota, en 2002. Photo : Minnesota Sea Grant. En haut et ci-dessus : Une seiche frappe Canal Park à Duluth, au Minnesota, en 2002. Photo : Minnesota Sea Grant.

Les scientifiques qui s’intéressent à la seiche se penchent aussi sur le phénomène apparenté du tsunami météorologique ou météotsunami.

Les météotsunamis sont aussi le résultat de tempêtes de type convectif, mais des conditions bien particulières doivent être réunies pour qu’ils apparaissent, et ils sont plus rares que les seiches. Les chercheurs tâchent encore de comprendre exactement comment ils se produisent et à quelle fréquence ils frappent les lacs.

Certaines seiches très puissantes consignées dans l’histoire ont plus tard été reclassifiées comme des météotsunamis. C’est le cas d’une vague haute de 10 pieds (plus de 3 mètres) qui a déferlé sur le lac Michigan à Chicago en 1954, et qui a emporté avec elle huit pêcheurs qui n’y ont pas survécu.

« Dans l’océan, un tremblement de terre ou autre séisme du genre provoque un tsunami, mot japonais qui signifie “vague de port” », explique Anderson. « Toutefois, parfois, la réunion de certaines conditions météorologiques entraîne aussi ce genre de vague, d’où le terme “météotsunami”. Dans les Grands Lacs, ces conditions s’apparentent à celles d’un grain. »

Les seiches et les météotsunamis ont des effets différents. « Un météotsunami se manifeste généralement par une ou quelques vagues, qui se suivent de quelques minutes seulement et qui touchent une région localisée du lac », expose Anderson.

« Les seiches sont des ondes stationnaires qui font osciller toute la surface du lac et touchent donc celui-ci dans son entier. Si la perturbation atmosphérique est intense, le lac peut déborder d’un côté et s’abaisser de l’autre. »

Les seiches durent des heures et les météotsunamis, quelques minutes.

Les perturbations atmosphériques capables de causer une seiche sont fréquentes. « Chaque système atmosphérique qui se déplace comporte la possibilité de créer une seiche », fait remarquer Anderson.

« En général, les perturbations sont plus fortes à l’automne. Seuls d’intenses systèmes atmosphériques causent des seiches. L’eau des lacs oscille sans cesse, parfois dangereusement, parfois non. »

Chacun des Grands Lacs subit une ou deux sèches importantes par an. Le lac Érié, le moins profond de tous, est le plus touché.

Le Laboratoire de recherche environnementale des Grands Lacs à Ann Arbor travaille constamment à la mise au point de la prochaine génération de modèles pour prévoir les seiches, les météotsunamis et autres phénomènes d’origine météorologique.

« Nous comprenons les seiches et arrivons à les prévoir », affirme Anderson. « Mais les météotsunamis sont encore un mystère. Nous cherchons à comprendre quels mécanismes les causent et comment en assurer la prévision dans la prochaine génération de modèles informatiques. »

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