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Évaluation de la qualité de l’eau des Grands Lacs par la CMI : des progrès, mais beaucoup plus d’efforts sont nécessaires

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Sally Cole-Misch
IJC

 

Premier rapport d’évaluation triennal de la CMI sur les progrès réalisés au titre de l’Accord
Premier rapport d’évaluation triennal de la CMI sur les progrès réalisés au titre de l’Accord.
Source : Fe Wyma / Kapwa Communications

Le premier cycle triennal de l’Accord de 2012 relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs a pris fin le 28 novembre, date à laquelle la CMI a publié son premier rapport d’évaluation triennal des progrès réalisés pour améliorer la qualité de l’eau dans les Grands Lacs. Le rapport est l’aboutissement de recherches approfondies menées par les conseils consultatifs des Grands Lacs et le personnel de la CMI ainsi que d’un vaste processus de consultation publique visant à déterminer si le Canada et les États‑Unis s’acquittent de leurs obligations en vertu de l’Accord.

Le rapport précise que bien que des progrès importants aient été réalisés pour restaurer et protéger les lacs, les « gouvernements des États-Unis et du Canada et l’ensemble de la société civile des Grands Lacs sont en train de payer les conséquences onéreuses de problèmes environnementaux que l’on avait négligé de prévoir. […] La Commission exhorte nos deux pays à adhérer au principe de prévention qu’ils ont judicieusement incorporé à la révision de 2012 de l’AQEGL ». Cette insistance accordée à la prévention se reflète dans bon nombre des recommandations de la CMI.

Les progrès réalisés comprennent l’accélération du nettoyage des secteurs préoccupants contaminés, l’établissement de nouvelles cibles pour les apports de phosphore dans le lac Érié afin de réduire les efflorescences d’algues nuisibles, l’arrêt de la pénétration de nouvelles espèces aquatiques envahissantes dans les lacs et la mise sur pied des groupes de travail et des processus nécessaires à la mise en œuvre de l’Accord. Toutefois, il convient d’intensifier les travaux dans ces secteurs clés et dans plusieurs autres.

Protection de la santé humaine

La CMI relève des lacunes dans l’atteinte des objectifs de l’Accord en matière de santé humaine en ce qui concerne les eaux potables et propices à la baignade et à la pêche, et elle recommande que les gouvernements établissent un délai fixe et raccourci pour parvenir à un rejet nul d’eaux usées mal traitées ou non traitées dans les Grands Lacs. Pour atteindre cet objectif, les gouvernements doivent également augmenter le financement de l’infrastructure et fournir un soutien aux collectivités afin d’améliorer leur capacité de réagir aux événements météorologiques extrêmes, particulièrement en ce qui a trait aux débordements d’égouts unitaires. Ces événements sont directement liés à la fermeture de plages dans toute la région, lorsque les concentrations de bactéries sont trop élevées pour la baignade et d’autres utilisations récréatives. Pour ce qui est de l’eau potable, le rapport conclut que les gouvernements fournissent de l’eau potable salubre presque partout dans le bassin des Grands Lacs, mais que des incidents liés à de l’eau potable insalubre se sont produits dans les grandes villes et que certaines Premières Nations et tribus reçoivent des avis d’ébullition de longue durée. La CMI recommande que l’infrastructure soit améliorée pour éliminer tous les avis d’ébullition de l’eau de longue durée et les violations persistantes du droit à l’eau potable dans toutes les collectivités du bassin des Grands Lacs, et que les gouvernements assurent un suivi des plans de protection des sources d’eau et fassent rapport à cet égard.

Des efforts accrus sont requis pour diffuser des avis sur la consommation de poisson aux pêcheurs des Grands Lacs
Des efforts accrus sont requis pour diffuser des avis sur la
consommation de poisson aux pêcheurs des Grands Lacs.
Source : Daniel Thornberg, Fotolia

Bien que la plupart des poissons des Grands Lacs puissent être consommés sans danger si les consommateurs suivent les lignes directrices des gouvernements des États, des provinces et des Premières Nations, des tribus et des Métis, la CMI conclut dans son rapport qu’il faut redoubler d’efforts pour informer les gens de la publication des avis. Il faut notamment en informer les personnes qui consomment fréquemment du poisson ou qui peuvent être vulnérables aux contaminants présents dans le poisson, comme les femmes en âge de procréer et les jeunes enfants.

Éléments nutritifs

La CMI estime également que la qualité de l’eau de l’ouest et du centre du lac Érié demeure inacceptable. En outre, la CMI recommande aux gouvernements d’inclure les éléments suivants dans leurs plans d’action fédéraux, étatiques et provinciaux afin d’atteindre leurs nouveaux objectifs en matière de charge en phosphore et de réduire la prolifération des algues nuisibles :

  • détails sur les échéanciers;
  • responsabilités en matière d’intervention;
  • produits et résultats attendus;
  • mesures du rendement quantifiables pour permettre la reddition de comptes.
Déséquilibre des concentrations d’éléments nutritifs dans les Grands Lacs. Certains secteurs sont riches en éléments nutritifs (représentés en rouge), tandis que d’autres ne le sont pas
Déséquilibre des concentrations d’éléments nutritifs dans les Grands Lacs. Certains secteurs sont riches en éléments nutritifs (représentés en rouge), tandis que d’autres ne le sont pas. Source : État des Grands Lacs 2017 – Rapport technique

Les mesures doivent inclure la mise en place de normes exécutoires concernant l’application d’engrais agricoles et de déchets animaux, l’amélioration des liens entre les subventions agricoles et les pratiques de conservation ainsi que la désignation par l’Ohio du bassin Ouest du lac Érié comme étant altéré en vertu de la Clean Water Act des États-Unis. Comme le montre la figure ci-dessus, l’ouest du lac Érié, la baie Saginaw et la baie Green ont des problèmes d’apports excessifs d’éléments nutritifs. En même temps, certaines zones au large des côtes des lacs Huron, Michigan et Ontario présentent de très faibles concentrations d’éléments nutritifs, ce qui a une incidence sur les populations de poissons et la pêche commerciale.

Polluants

Comme la CMI croit que la prévention est la meilleure façon de restaurer et de protéger les lacs, elle en vient à la conclusion que les progrès dans la lutte contre les rejets de produits chimiques toxiques en vertu de l’Accord sont décevants. Au cours des trois premières années de mise en œuvre de l’Accord, seulement huit produits chimiques préoccupants ont été identifiés, et aucune stratégie binationale de gestion de ces produits chimiques n’a été mise en œuvre. Afin de faire progresser les choses, la CMI recommande aux gouvernements d’accélérer les travaux sur les stratégies binationales en établissant des échéanciers précis et en les respectant en ce qui concerne l’élaboration et la mise en œuvre. Ces stratégies devraient reposer sur le principe du rejet nul. Les gouvernements devraient également mettre l’accent sur des politiques et des programmes fondés sur la responsabilité élargie des producteurs à l’égard d’une vaste gamme de produits, y compris les produits ignifuges, afin de prévenir les rejets de contaminants toxiques à toutes les étapes du cycle de vie d’un produit. De telles politiques et de tels programmes peuvent inciter les producteurs à mettre au point des produits écologiques, des programmes de recyclage et d’autres approches pour réduire l’impact de leurs produits.

Lutte contre les espèces envahissantes

Avec la mise en application rigoureuse des exigences binationales en matière d’échange d’eaux de ballast et de rejet d’eau salée par les navires de haute mer entrant dans les Grands Lacs, aucune nouvelle espèce aquatique envahissante amenée par ces navires n’a été signalée depuis 2006. Cependant, des espèces comme les moules zébrée et quagga qui ont déjà envahi les lacs, se répandent et ont un impact négatif sur l’écosystème.

phragmites
La propagation rapide du phragmite dans la région des Grands Lacs altère les milieux humides et l’habitat faunique et augmente le risque d’incendie. Source : Abobe stock, norrie39

Bien que les gouvernements aient dépensé des ressources importantes pour empêcher la carpe asiatique d’entrer dans les lacs, il faut faire preuve d’une diligence constante pour éviter qu’elle ne se répande. Les plantes terrestres comme le phragmite envahissant, un roseau commun qui peut atteindre 6 mètres ou 19 pieds de haut, se répandent rapidement et doivent être maîtrisées si l’on veut protéger la qualité des milieux humides.

Changements climatiques

Selon le rapport d’évaluation de la CMI, « l’ombre des changements climatiques plane de manière inédite au-dessus de tous les problèmes des Grands Lacs ». Un climat changeant sévit dans la région depuis un certain temps, provoquant une réduction de la couverture de glace hivernale, imposant un stress aux espèces sauvages terrestres et aquatiques, augmentant la fréquence et l’intensité des tempêtes, etc. L’Accord de 2012 comprend une nouvelle annexe sur les changements climatiques qui donne aux deux pays l’occasion de faire preuve de leadership mondial en élaborant une approche ou une stratégie binationale à l’échelle du bassin pour l’adaptation et la résilience aux changements climatiques.

Mobilisation, responsabilisation et financement

La CMI estime également que les gouvernements doivent renforcer la mobilisation du public, la responsabilisation et le financement pour atteindre les objectifs de l’Accord. Les gouvernements doivent intégrer à leurs activités une plus grande mobilisation du public, notamment auprès des diverses collectivités et des gouvernements tribaux, des Premières Nations et des Métis. Il faut établir des objectifs clairs et assortis d’échéances ainsi que des attentes à long terme pour améliorer l’état et les tendances des indicateurs des Grands Lacs afin de pouvoir évaluer les progrès accomplis de façon plus précise.  Afin de soutenir les nouveaux progrès, la CMI recommande que les gouvernements continuent d’investir dans la restauration et la prévention aux niveaux actuels ou à des niveaux supérieurs. Outre le premier rapport d’évaluation triennal des progrès réalisés pour améliorer la qualité de l’eau dans les Grands Lacs (182 pages), la CMI a publié trois autres rapports afin de fournir une évaluation approfondie aux gouvernements et à la collectivité des Grands Lacs :

La CMI apprécie sincèrement le temps, les réflexions et l’expérience de chaque personne qui a contribué au processus de consultation mis sur pied pour le rapport et espère que son premier rapport d’évaluation triennal des progrès stimulera la prise de mesures et la poursuite d’un dialogue soutenu pour promouvoir les objectifs de l’Accord. Elle espère également que les gouvernements fédéraux mettront en œuvre ses recommandations et que d’autres pourront se servir de ces recommandations pour appuyer la prise de mesures et l’obtention des ressources nécessaires pour effectuer les travaux de restauration et de protection des lacs.

Dans son rapport, la CMI affirme que « malgré toute une diversité de points de vue, il est une valeur qui fait l’unanimité parmi toutes les parties prenantes des Grands Lacs, à savoir que toutes les richesses des Grands Lacs ont leur importance et que nous nous devons de faire tout notre possible pour les préserver à tout jamais ». 

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Sally Cole-Misch
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Sally Cole-Misch is the public affairs officer for the IJC’s Great Lakes Regional Office.

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