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Des virus qui voyagent sur les Grands Lacs par bateau

kevin bunch
Kevin Bunch
 
ballast water ships
Des études récentes semblent indiquer que les communautés virales peuvent se déplacer loin de leur milieu naturel en « embarquan

Les navires se déplaçant sur les Grands Lacs pourraient transporter, à l’intérieur de leurs citernes de ballast, des « passagers viraux » et les amener ainsi d’un port à l’autre.

Diverses voies de propagation potentielles permettraient à ces virus d’entrer dans les Grands Lacs : la sauvagine, les poissons infectés migrant à partir de la côte atlantique, le transport d’appâts ou l’aquaculture. Ils pourraient aussi être transportés dans les citernes de ballast que les navires utilisent pour assurer leur stabilité, selon une étude de 2015 publiée dans la revue de l’American Chemical Society. Qui plus est, une étude de suivi publiée depuis laisse supposer que certains virus peuvent ainsi se retrouver dans des ports maritimes partout dans le monde.

Les administrations des États et les gouvernements provinciaux autour des Grands Lacs ont émis un avis sur un virus envahissant appelé septicémie hémorragique virale (SHV) se propageant chez les poissons dans les Grands Lacs. Ce virus a été détecté pour la première fois dans le lac Ontario en 2005. Cette maladie a entraîné une mortalité massive des poissons dans tous les Grands Lacs, le lac Sainte-Claire et le fleuve Saint-Laurent. Même si les chercheurs ne savent pas trop comment la SHV est entrée dans les Grands Lacs, la maladie s’est avérée être un problème ardu pour la gestion des pêches.

L’eau de ballast est l’eau qui remplit les citernes de ballast lorsqu’un navire transporte moins de marchandises pour assurer sa stabilité. Au fur et à mesure que les marchandises sont chargées dans le navire, on rejette l’eau de ballast pour équilibrer le poids. Les organismes aquatiques et marins peuvent être aspirés avec l’eau de ballast, puis rejetés dans un endroit complètement différent, ailleurs dans le monde; c’est de cette façon que la majorité des espèces envahissantes se sont retrouvées dans les Grands Lacs. Le Canada et les États-Unis ont pris des mesures afin d’empêcher que de nouvelles espèces envahissantes soient transportées d’un endroit à un autre dans l’eau de ballast; les deux pays ont mis en place un des régimes les plus stricts du monde d’application de mesures pour régir les rejets d’eau de ballast, et aucune nouvelle espèce aquatique envahissante n’a été introduite par l’eau de ballast dans le bassin depuis 2006. Il s’agit, en grande partie, d’échanger l’eau de ballast en pleine mer.

Dans le cadre de l’étude de 2015, des échantillons d’eau de ballast ont été prélevés dans des navires à divers endroits sur les lacs, y compris des ports comme celui de Toledo sur le lac Érié, d’Essexville sur le lac Huron et Burns Harbor sur le lac Supérieur et Hamilton sur le lac Ontario. Les navires se dirigeaient vers Duluth sur le lac Supérieur, un des ports les plus achalandés sur les Grands Lacs, et leur eau de ballast a également été comparée aux eaux de ce port, nous dit la chercheuse Yiseul Kim, qui a récemment obtenu un doctorat au Département de microbiologie et de génétique moléculaire de la Michigan State University, sous la supervision de Joan Rose (Ph. D.) (membre du Conseil consultatif des professionnels de la santé de la CMI).

michigan state university kim water samples
Les chercheurs de la Michigan State University Yiseul Kim et Tiong Gim Aw recueillent des échantillons d’eau de Duluth.

Les eaux de ballast contenaient des communautés de virus, a indiqué Yiseul Kim, normalement présentes dans les ports où les navires avaient pris leur eau de ballast. En comparant les séquences génétiques des virus avec celles d’une base de données pour le port de Duluth, elle a été en mesure de déterminer s’il s’agissait de virus locaux ou de « passagers » non désirés. Ces communautés virales s’attaquaient à des organismes variés, comme des algues, des plantes, des invertébrés (p. ex. des insectes) et des vertébrés (p. ex. des poissons). Plus de la moitié des communautés virales échantillonnées s’attaquent à des bactéries, selon l’étude.

Les virus influent sur les communautés microbiennes, parce qu’ils ont besoin d’un hôte pour se répliquer », d’après Joan Rose. « Si on prend en considération les problèmes écologiques, économiques et de santé publique associés à la prise et au rejet de l’eau de ballast, on se retrouve possiblement avec un impact élevé si les virus et maladies d’origine hydrique sont propagés sur de longues distances. 

L’étude ne portait pas sur les virus se retrouvant dans les Grands Lacs qui proviennent d’autres régions du monde, mais une étude publiée en 2016, à laquelle Yiseul Kim a participé, portait sur les communautés de virus dans l’eau de ballast, voyageant partout dans le monde vers les ports maritimes. Les conclusions de cette étude étaient semblables, des virus apparemment non indigènes se « promenant » ainsi vers différentes régions du monde. Pour limiter la propagation de ces virus par la navigation commerciale, il faut une technologie de traitement des eaux de ballast, et Yiseul Kim indique que cette technologie est toujours dans la phase de recherche, et il faut aussi plus de renseignements à propos des types de virus et de leur impact. Des systèmes de traitement de l’eau de ballast seront nécessaires pour les navires entrant dans les Grands Lacs dans les prochaines années, cependant, car les règlements comprennent de nouvelles limites applicables aux rejets pour contrôler les microbes afin de veiller à la santé humaine.

Le fait qu’un virus ne soit pas indigène ne veut pas nécessairement dire qu’il est envahissant. Une espèce envahissante est une espèce non indigène qui a un effet négatif sur le milieu où elle a été introduite et qui perturbe l’écosystème. « J’ai constaté que l’eau de ballast contient des virus », a dit Yiseul Kim. « L’eau de ballast peut transporter des virus (vers de nouvelles régions), mais, pour confirmer s’il s’agit d’espèces envahissantes, on doit étudier l’impact qu’ils ont dans leur nouveau milieu aquatique. 

ballast tank ship
Un chercheur descend dans la citerne de ballast d’un navire pour prélever des échantillons d’eau pour l’étude.
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Kevin Bunch

Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.

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