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Des décennies après s’être évanoui du paysage, le touladi fraie de nouveau dans un des affluents du lac Supérieur

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Kevin Bunch
lake trout

Le touladi fraie encore dans au moins un des affluents du lac Supérieur, des décennies après l’effondrement de la ressource.

Selon une étude réalisée par des chercheurs du ministère des Richesses naturelles et des Forêts de l’Ontario, cette truite fraie dans la rivière Nimoosh (ou la rivière Dog, en ojibwé). Il s’agit d’une rivière reculée qui se jette dans l’extrémité nord du lac Supérieur après avoir traversé le parc provincial Nimoosh. Les autorités pourront s’appuyer sur les résultats de cette étude pour orienter les efforts de restauration et de protection de la rivière.

La plupart des touladis fraient dans les lacs, mais, par le passé, une partie de la population du lac Supérieur allait frayer dans les rivières. Cependant, dans les années 1950, la surpêche et la lamproie marine envahissante ont eu raison du touladi dans le lac Supérieur ainsi que d’une grande partie de la population qui frayait dans les rivières. On estime qu’en 1952, 2 000 poissons frayaient dans les rivières Nimoosh et Montréal; seuls quelques-uns le faisaient encore en 1955, affirme Nicholas Jones, chercheur au ministère des Richesses naturelles et des Forêts de l’Ontario et coauteur de l’étude.  

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Le touladi fraie dans la rivière Nimoosh, située dans le parc provincial Nimoosh (Ontario). Crédit photo : Ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs de l’Ontario

Au milieu des années 1950, le gouvernement de l’Ontario a ensemencé l’embouchure de la rivière Nimoosh et le lac Mishibishu, en amont de la rivière Dog (près du parc provincial Obatamaga), sur la rive nord du lac Supérieur, en y relâchant plusieurs milliers de touladis âgés de 2 ans et demi. Ils provenaient d’œufs collectés dans la rivière Nimoosh en 1955, à l’époque de l’effondrement de la population.

Entre le milieu des années 1950 et le début des années 1970, le gouvernement de l’Ontario a continué d’ensemencer l’embouchure de la rivière Nimoosh avec des truites descendant de populations qui avaient frayé dans la rivière Nimoosh ou le lac Mishibishu. Bien que les chercheurs aient observé des touladis adultes dans ce bassin hydrographique en 1977, rien jusqu’à récemment ne leur avait permis de conclure avec certitude que le poisson y frayait encore.

Les chercheurs sont régulièrement revenus étudier la rivière en période automnale, entre 2012 et 2016, et ils ont constaté qu’une population de touladis frayait et pondait dans la rivière Nimoosh en fin septembre-début octobre, tout comme des générations de touladis l’avaient fait avant eux.

Il leur a semblé que, pour leur fraie, ces poissons affectionnent les secteurs situés en aval des piscines, surtout dans les zones où la profondeur et la pente du lit de la rivière changent rapidement et où la vitesse du courant augmente. En termes de substrat de frai, le touladi cherche les mêmes caractéristiques que dans les lacs, c’est-à-dire des galets espacés de sorte que le corégone et le chabot ne puissent pas venir facilement manger leurs œufs. Comparativement à celles des Grands Lacs, ces frayères fluviales sont loin d’être aussi profondes, mais les autres conditions du milieu correspondent assez bien.

Bien sûr, les cours d’eau changent en fonction des conditions de débit d’une année à l’autre. Les années humides donnent lieu à des conditions différentes et des débits très élevés ou trop faibles dans les rivières et les ruisseaux peuvent perturber l’habitat. Cela signifie que le touladi qui aime frayer dans la rivière peut changer d’endroit selon l’habitat disponible.

Pour M. Jones, « la population de la rivière Dog nous offre l’occasion unique de comprendre l’écologie d’une population qui fraye en rivière, et de comparer les données recueillies à ce que l’on sait à propos des populations frayant dans les lacs ».

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Le touladi semble affectionner les piscines qui se forment en aval des rapides répartis le long de la rivière Nimoosh. Crédit photo : Mike Parna/ministère des Richesses naturelles

Selon M. Jones, la recherche a permis de constater une diversité et une richesse génétique dans la population de touladis de la rivière Nimoosh. Ces deux caractéristiques peuvent contribuer à améliorer la stabilité de l’écosystème et l’économie de la pêche dans le lac, où le touladi est une espèce clé et un poisson recherché par les pêcheurs sportifs.

Les travaux pourraient servir à repérer et à restaurer d’autres populations de touladis des rivières qui frayent autour du lac Supérieur.

M. Jones rappelle que, jadis, d’importantes populations de touladis frayant dans les rivières fréquentaient quelques 22 rivières qui se déversent dans le lac Supérieur.

Il estime qu’il vaudrait la peine de s’intéresser à la rivière Montréal, un cours d’eau voisin, pour voir si le touladi y fraye encore, et d’utiliser cette information pour déterminer les habitats les mieux adaptés en vue de réintégrer le touladi frayant en rivière dans d’autres cours d’eau que l’espèce a fréquentés par le passé, comme les rivières Agawa, Michipicoten et Pukaskwa.

L’étude a été financée par le ministère des Richesses naturelles et des Forêts de l’Ontario au titre de l’Accord Canada-Ontario sur la qualité de l’eau et la santé de l’écosystème des Grands Lacs. En vertu de l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs, les gouvernements du Canada et des États-Unis travaillent dans le sens de l’objet de l’annexe 7, Habitat et espèces, qui vise à réaliser les objectifs généraux de l’accord par « la conservation, la protection, le maintien, la restauration et l’amélioration de la résilience des espèces indigènes et de leur habitat… ».

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Un chercheur ratisse le fond de la rivière Nimoosh en quête d’œufs de touladi. Crédit photo : Mike Parna/ministère des Richesses naturelles
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Kevin Bunch

Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.

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