Les gaspareaux qui migrent vers la rivière Sainte-Croix sont désormais marqués dans le cadre d’une nouvelle initiative visant à faciliter le suivi de leurs activités de frai et à assurer leur dénombrement annuel dans l’avenir.
Depuis les années 1980, la St. Croix International Waterway Commission (SCIWC) compte le nombre de gaspareaux et d’autres espèces de poissons qui traversent le barrage de Milltown, situé entre St. Stephen (Nouveau-Brunswick) et Calais (Maine).
L’administratrice des programmes de la SCIWC, Gloria Rodriguez-Whittingham, explique que, pour le moment, les poissons sont comptés à la main lors de leur remontée printanière — un processus particulièrement mobilisateur de main-d’œuvre — ou par des moyens vidéos. Ce travail est effectué dans la passe du barrage de Milltown à raison de 10 minutes toutes les heures. Le résultat est ensuite multiplié par six pour estimer le nombre de poissons franchissant la passe à chaque heure.
Comme le barrage de Milltown est l’ouvrage le plus aval dans la rivière Sainte-Croix, il est donc le premier obstacle que tous les poissons doivent franchir lors de leur migration. Il est cependant probable qu’il ne conservera pas cette distinction encore très longtemps, puisque son exploitant, Énergie Nouveau-Brunswick, est en plein processus de délivrance d’un permis de démantèlement du barrage.
Quand le barrage de Milltown aura été retiré, l’actuelle méthode de comptage du poisson ne sera plus viable, ajoute Mme Rodriguez-Whittingham.
Depuis 2021, la SCIWC capture les gaspareaux migrateurs pour leur poser des marqueurs de transpondeur passif intégré (TIP). En outre, la SCIWC prélève un échantillon de concrétions calcaires dans les oreilles des poissons, appelées otolithes, dont la nature varie en fonction du lieu de vie des poissons.
Mme Rodriguez-Whittingham précise que 500 poissons ont ainsi été marqués en 2021, et 500 autres en 2022. Ce projet de marquage est financé par l’Initiative internationale des bassins hydrographiques de la CMI; la CMI a également financé le dénombrement des poissons par le passé.
À l’aide d’un réseau de capteurs hydroacoustiques positionnés en divers points du bassin, la SCIWC et ses partenaires peuvent suivre les poissons dans la rivière. Ces capteurs sont situées au barrage de Milltown, au barrage de Grand Falls, au barrage de Woodland, au barrage de Vanceboro et près de l’embouchure de la rivière Magurrewock, dans le Maine. Comme les marqueurs sont passifs, ils n’ont pas besoin d’être alimentés par batterie et ils demeurent utilisables pendant toute la durée de vie du poisson. Quand les poissons pénètrent dans une des aires balayées par les capteurs, ces derniers saisissent le signal sonore des marqueurs indiquant l’emplacement et le mouvement des poissons.
« Chaque fois qu’un poisson marqué passe devant un capteur, nous pouvons déterminer où il va », précise Mme Rodriguez-Whittingham. « Nous pouvons également connaître la distance qu’il parcourt et savoir où il s’arrête. Nous parvenons ainsi à mieux suivre ses déplacements dans la rivière et à disposer des données dont nous avons besoin pour voir jusqu’où il peut aller et où il va frayer, quand il ne décide pas d’abandonner et de rebrousser chemin. »
Pose d’un marqueur de TIP (transpondeur intégré passif) dans un tacon prélevé en Idaho. La même technologie est utilisée pour suivre les gaspareaux dans la rivière Sainte-Croix. Source : Idaho Department of Fish and Game.
Hormis le barrage de Milltown, la rivière Sainte-Croix comporte de nombreux ouvrages du même genre que les poissons doivent franchir dans leur périple vers leur lieu de fraie, plus en amont. Le dénombrement des poissons est un moyen de déterminer si les passes des barrages sont efficaces, ajoute Mme Rodriguez-Whittingham.
En marge du projet de suivi, le dénombrement traditionnel des poissons a également eu lieu cette année. En 2022, 712 808 gaspareaux ont franchi le barrage de Milltown, ainsi que 17 ombles d’Amérique, soit 100 000 individus de plus que l’an dernier, ce qui confirme la tendance à des montaisons plus abondantes dans la rivière Sainte-Croix.
La montaison du gaspareau, qui se produit en même temps que celles d’autres espèces frayant dans la rivière, comme l’anguille d’Amérique, l’omble d’Amérique, la lamproie marine et le saumon de l’Atlantique, a toujours été importante dans la région. Les Autochtones et les autres riverains attrapent le gaspareau pour s’en servir d’appât ou pour le fumer en vue de le consommer. Le gaspareau étant une composante essentielle du réseau trophique global de la région, il occupe une place déterminante dans la santé de l’écosystème du bassin versant.
Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.