Par Ellen Perschbacher
Université de Waterloo
Ancienne stagiaire au bureau régional des Grands Lacs de la Commission mixte internationale, Windsor (Ontario)
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Nous utilisons les microbilles pour nettoyer notre visage, notre corps et nos dents et pour polluer les Grands Lacs en même temps. Heureusement, il existe des solutions de rechange.
Les microbilles sont de petites particules sphériques en plastique dont la taille peut atteindre de un micromètre, invisible à l’œil nu, à cinq millimètres. Elles constituent une sous-catégorie de pollution par les microplastiques. Ces minuscules billes en plastique sont fabriquées et ajoutées à des centaines de produits de soins personnels, y compris des cosmétiques, des nettoyants pour le visage, des dentifrices, des désodorisants, des colorants capillaires, des crèmes à raser et des écrans solaires. Les fabricants ajoutent ces billes pour leur effet de « roulement à billes » qui permet de créer une texture soyeuse dans leurs produits.
Une fois appliqués sur le corps, la plupart des produits de soins personnels sont éliminés par rinçage et rejetés dans les égouts jusqu’aux usines de traitement des eaux usées. Étant donné que la grande majorité de ces usines ne sont pas dotées de l’équipement nécessaire pour éliminer de telles particules minuscules, les microbilles sont rejetées directement dans l’eau de surface. Un rapport du bureau du procureur général de l’État de New York publié en 2014 (disponible en anglais seulement) démontre que 25 des 34 usines de traitement des eaux usées dans la région des Grands Lacs rejettent des microbilles dans leurs effluents.
Les microbilles sont présentes dans des produits tels que les dentifrices. Référence photographique : Randall Benton
Une autre voie d’entrée courante des microbilles est les boues d’épuration fréquemment utilisées comme engrais sur les terres agricoles. Les boues d’épuration qui contiennent des microbilles sont épandues comme engrais, puis elles pénètrent le sol jusqu’aux sources d’eau souterraine ou elles sont transportées jusqu’aux eaux de surface par la pluie. Les microbilles peuvent également se retrouver dans des lacs à la suite d’événements de trop-pleins d’égouts unitaires. Cette situation se produit habituellement au cours de période de pluies abondantes ou de fonte importante des neiges, permettant ainsi aux eaux d’égout partiellement traitées ou non traitées de pénétrer dans les cours d’eau locaux.
Compte tenu de la croissance continue du volume de déchets plastiques dans les systèmes aquatiques, conjointement avec le taux de dégradation lent de ces particules, il n’est pas surprenant de constater l’accumulation massive de déchets plastiques dans des cours d’eau partout dans le monde, y compris dans les Grands Lacs.
Lorsque les microbilles aboutissent dans les eaux de surface telles que dans les Grands Lacs, les organismes aquatiques et les espèces sauvages peuvent les confondre avec de la nourriture. Ces particules peuvent contenir des substances toxiques telles que des phtalates et du bisphénol A, et le pétrole présent dans ces plastiques agit comme un aimant pour d’autres toxines telles que l’insecticide dichlorodiphényltrichloréthane. Les répercussions des substances toxiques sur la reproduction et le développement sont clairement démontrées (lien disponible en anglais seulement), en particulier lorsqu’il s’agit de toxines qui se bioaccumulent dans les organismes occupant une place élevée dans la chaîne alimentaire, notamment l’être humain.
Les dangers liés à l’exposition aux microbilles et à leur ingestion, y compris les microplastiques, font l’objet d’études à l’échelle mondiale. Les constatations préliminaires d’un Résumé scientifique sur les microbilles mené par le ministère de l’Environnement en 2015 relèvent de nombreuses répercussions sur la santé des espèces de tous les échelons de la chaîne alimentaire lorsqu’elles sont exposées aux microplastiques et en ingèrent.
Il reste encore beaucoup de choses à apprendre au sujet des répercussions de la pollution par les microplastiques sur l’environnement et la santé humaine. À mesure que se poursuivent les efforts de recherche à l’échelle mondiale, la prévention de l’entrée des microplastiques dans l’environnement demeure une stratégie d’atténuation clé (voir le site http://beatthemicrobead.org/fr/science pour un sommaire des plus récentes études internationales).
En ce qui concerne les Grands Lacs où les températures plus basses permettent aux plastiques de persister pendant des siècles, la meilleure approche visant à prévenir les répercussions sur les espèces de tous les échelons de la chaîne alimentaire consiste à empêcher les microparticules invasives d’atteindre les écosystèmes.
Même si des interdictions ont été présentes ou édictées aux échelles provinciale/territoriale, étatique et nationale au Canada et aux États-Unis, il est probable que les produits contenant des microbilles restent sur le marché pour un certain temps. Les consommateurs peuvent acheter des produits avec des substituts naturels des microbilles, p. ex. des amandes, des fèves de cacao, des noyaux d’abricots et du sel de mer moulus. Ils peuvent également télécharger l’application Beat the Microbead qui leur permet de balayer les codes à barres pour déterminer si un produit contient des microbilles.
Même si l’élimination des microbilles dans les produits – et ultimement dans les Grands Lacs – nécessite encore beaucoup d’études, de lois et règlements et de mesures pour gérer la catégorie plus générale des microplastiques, les efforts individuels peuvent quand même contribuer à réduire les microbilles provenant des produits de soins personnels.