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Comprendre et éliminer les surcharges nutritives dans le lac Érié

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Une vaste marée verte de phytoplancton dans la partie ouest du lac Érié le 26 septembre 2017. Image : Landsat 8/NASA.

Le lac Érié est le moins profond et le plus chaud des cinq Grands Lacs. Pourtant, il reçoit le plus d’apports nutritifs, notamment par le ruissellement urbain et agricole. En conséquence, il est aussi le plus poissonneux. Mais les éléments nutritifs alimentent aussi la croissance d’algues nuisibles, surtout dans la partie occidentale du lac.

Ces algues, appelées cyanobactéries ou algues bleues, ont contribué à créer de grandes « zones mortes » où il n’y a pas assez d’oxygène dissous pour que les poissons et autres organismes aquatiques y survivent. Les zones mortes se forment dans la couche froide inférieure du bassin central, entre Sandusky, en Ohio, et Erie, en Pennsylvanie. Des problèmes analogues se produisent dans la baie Green, au Wisconsin; dans la baie Saginaw, au Michigan, et dans de nombreux autres lacs aux États-Unis, au Canada et ailleurs dans le monde.

Les problèmes ne sont pas nouveaux dans le lac Érié. Nous y avons été confrontés dans les années 1960 et 1970.

L’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs (AQEGL) entre le Canada et les États-Unis a été conclu dans sa version d’origine en avril 1972. Il a permis aux scientifiques canadiens et américains de convenir que les surcharges de phosphore créaient les efflorescences d’algues et les zones mortes, et de fixer une pour les charges de phosphore total (PT) dans le lac Érié – 11 000 tonnes métriques par an.

Le PT se compose du phosphore particulaire (PP), attaché aux particules de sol, et du phosphore dissous, pour l’essentiel du phosphore réactif dissous (PRD), ou du phosphore dissous dans l’eau. Le PP est biodisponible à environ 25 % (assimilable par les plantes et les algues), tandis que le PRD l’est à 100 %.

La cible de 11 000 tonnes métriques a été atteinte au milieu des années 1980, et le lac a réagi à cette réduction en devenant la « capitale mondiale du doré ». L’économie et le tourisme ont progressé rapidement sur ses rives. Aujourd’hui, le tourisme dans les huit comtés de l’Ohio qui bordent le lac Érié fournit près de 124 000 emplois et a une valeur économique annuelle de plus de 14 milliards de dollars américains.

La charge annuelle de PT au lac Érié demeure près des 11 000 tonnes métriques visées, mais la part du PRD dans cette charge a augmenté de 132 %. C’est le principal déterminant des efflorescences d’algues, ou fleurs d’eau, nuisibles dont nous sommes témoins aujourd’hui. Les cyanobactéries ont recommencé à proliférer dans le bassin ouest du lac à la fin des années 1990, et elles pullulent depuis 2002, les cinq pires épisodes s’étant produits depuis 2011.

En mai 2015, l’équipe de travail sur les objectifs et les cibles de l’annexe 4 de l’AQEGL de 2012 a publié son rapport final, où elle recommande de réduire de 40 % par rapport à 2008 les charges printanières de PT et de PRD dans le bassin ouest, afin de contrer les efflorescences d’algues nuisibles, et de réduire de 40 % les charges annuelles dans les bassins ouest et central, pour contrer les zones mortes.

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Efflorescence d’algues nuisibles dans le bassin ouest du lac Érié le 25 septembre 2017. Image : Aerial Associates Photography Inc. by Zachary Haslick/NOAA-GLERL.

Les réductions recommandées sont destinées à alléger les efflorescences d’algues nuisibles, pour ramener les fleurs d’eau à l’ampleur qu’elles ont eue en 2004 et en 2012, ou à une ampleur moindre, neuf années sur dix ou 90 % du temps. Les réductions visent aussi à augmenter la concentration moyenne d’oxygène dissous dans la zone morte du bassin central, pour la faire dépasser 2,0 mg/L (seuil d’une eau hypoxique). Les gouvernements du Canada et des États-Unis ont approuvé les recommandations en février 2016.

Chacun des États entourant le lac Érié, la province de l’Ontario et les deux pays élaborent des plans d’action nationaux qui décrivent les mesures qu’ils prendront pour atteindre la cible de réduction de 40 %. Une équipe de scientifiques a rédigé un livre blanc de 14 pages qui résume les résultats de recherche et détermine des stratégies possibles pour aider les gestionnaires, décideurs et élus à établir les meilleurs plans d’action nationaux.

Les auteurs du livre blanc constatent que les rivières Maumee et Sandusky sont les affluents qui chargent le plus le lac Érié et les Grands Lacs en phosphore, et 87 % de ce phosphore provient de sources diffuses où l’agriculture prédomine. La concentration moyenne de PT dans ces rivières (0,42 mg/L) est environ 30 fois plus élevée que celle dans la rivière Détroit (0,014 mg/L), laquelle est insuffisante pour causer une efflorescence d’algues nuisibles. Si la rivière Détroit n’est pas un facteur principal des fleurs d’eau dans le bassin ouest du lac Érié, l’équipe de travail l’a néanmoins reconnue comme l’un des 14 affluents prioritaires, et son apport d’environ 2 500 tonnes contribue à la zone morte du bassin central.

De 2002 à 2013, entre 70 et 90 % du phosphore et de l’azote apportés par la rivière Maumee l’ont été au cours des 10 plus grosses tempêtes chaque année, selon un article publié dans le Journal of Great Lakes Research par David Baker de la Heidelberg University et plusieurs coauteurs.

D’après le livre blanc, les quatre interventions les plus importantes que peuvent prendre les agriculteurs pour réduire les charges nutritives sont les suivantes :

  • Doser les applications en fonction des analyses de sol (selon les directives établies pour la région des trois États de l’Indiana, du Michigan et de l’Ohio, en n’appliquant que le phosphore nécessaire).
  • Incorporer l’engrais dans le sol, plutôt que de l’appliquer en surface, ou installer un paillis avec application dans la raie de semis.
  • Limiter l’érosion (ex. bandes filtrantes, fossés enherbés, orifices de percolation).
  • Gérer et minimiser la quantité d’eau qui sort du champ (gestion de l’eau de drainage).

Trois moyens courants peuvent servir à promouvoir l’adoption de pratiques de gestion particulières :

  • Sensibilisation et éducation pour encourager l’adoption volontaire des recommandations.
  • Incitatifs pour encourager l’adoption volontaire des recommandations.
  • Réglementation pour obliger à prendre des mesures.

L’adoption volontaire des pratiques recommandées ne se fera pas à moins que les efforts de sensibilisation ne visent à assurer aux agriculteurs qu’ils sont capables de mettre en œuvre un ensemble de solutions rentables.

Les données de sondage dans le bassin versant de la rivière Maumee indiquent qu’environ le tiers des agriculteurs (ce qui correspond à environ le tiers des acres du bassin) a adopté des pratiques exemplaires ou souhaite le faire, qu’un tiers hésite mais l’envisage et que le dernier tiers n’est pas disposé à modifier ses pratiques à court terme (le nombre précis varie selon la pratique). Les plus réticents à prendre des mesures pour réduire les pertes d’éléments nutritifs sont généralement près de la retraite ou cultivent des terres en location.

Selon les résultats des efforts en cours de modélisation du bassin versant, il y a de multiples voies pour atteindre la réduction de 40 % du phosphore qui regroupent des pratiques exemplaires de gestion. Chaque voie exige habituellement un degré total d’adoption d’entre 50 et 75 % pour chacune des pratiques du groupe. Il faudra travailler fort pour atteindre ces niveaux, car les taux d’adoption actuels des pratiques recommandées oscillent entre 20 et 50 % en moyenne.

D’après les données de sondage, cibler les personnes qui sont disposées à envisager les pratiques recommandées ou cibler les grosses exploitations agricoles pourrait suffire pour atteindre les taux d’adoption nécessaires. Les exploitations de plus de 50 acres représentent 45 % des exploitations, mais 97 % de la superficie totale. Plus de la moitié des terres cultivées sont louées, ce qui souligne l’importance de la conservation dans les terres en propriété et les terres louées.

 

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