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Comment les plans de régularisation des niveaux d’eau dans les Grands Lacs performent-ils?

Wendy Leger
GLAM Committee

Par Wendy Leger et Arun Heer, Comité de gestion adaptative des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent

st marys river
Looking downstream at the St. Marys River. Credit: International Lake Superior Board of Control

La tâche complexe de la gestion des niveaux d’eau et des débits dans le réseau des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent a récemment fait l’objet d’une attention considérable, à la suite de deux changements notables en matière de régularisation et d’une série d’événements hydrologiques sans précédent. Mises ensemble, ces circonstances représentent un défi de taille et une grande opportunité pour le Comité de gestion adaptative des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent (GAGL)

En janvier 2015, la Commission mixte internationale (CMI) a mis en œuvre le Plan de régularisation 2012, un nouvel ensemble de règles dictant la quantité d’eau pouvant être libérée depuis le lac Supérieur par la rivière St. Marys.

Plus récemment, avec la concurrence entre les gouvernements du Canada et des États-Unis, la CMI a mis en œuvre, en janvier 2017, le Plan 2014 afin de régulariser les débits du lac Ontario s’écoulant dans le fleuve Saint-Laurent. 

Les deux plans de régularisation ont été mis en œuvre après des années d’études sur les effets des conditions météorologiques et climatiques passées, présentes et éventuelles sur les niveaux d’eau et la régularisation des débits sortants, et sur la façon dont ces facteurs influent sur les retombées socio-économiques et environnementales dans l’ensemble du réseau des Grands Lacs.

Les divers groupes d’intérêt et intervenants qui dépendent de cette importante ressource, y compris les gouvernements, la CMI et ses conseils de gestion désirent tous savoir si les résultats attendus de ces nouveaux plans de régularisation sont atteints dans les conditions hydrologiques observées récemment, et s’ils continueront de fonctionner comme on le prévoit à mesure que les conditions dans le bassin évolueront. 

À cet égard, la CMI et les gouvernements ont pris un important engagement en matière de gestion adaptative, et ont établi, en janvier 2015, un comité binational de gestion adaptative des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent (comité GAGL) composé de 16 membres. Le comité relève des trois conseils de la CMI responsables de la gestion des niveaux d’eau dans les Grands Lacs, et est chapeauté par la CMI dans le but de fournir une évaluation continue des plans de régularisation et d’examiner la façon dont les plans performent dans un éventail de conditions hydrologiques actuelles et potentielles.

Le comité est principalement responsable d’évaluer la mesure dans laquelle les données scientifiques, les renseignements, les modèles et les outils actuellement accessibles reflètent les conditions réelles, de manière à ce que des mises à jour puissent être apportées à mesure que notre compréhension du réseau évolue. 

Le comité GAGL utilisera les renseignements fournis par les agences gouvernementales, les chercheurs universitaires et les principaux intervenants. Il sera responsable de coordonner la modélisation et les analyses nécessaires pour aider les conseils de la CMI à évaluer l’efficacité à long terme des plans de régularisation en place en matière de gestion des niveaux d’eau et des débits, et ce, dans diverses conditions en constant changement. Bien que le comité en soit encore à ses débuts, l’importance du processus de gestion adaptative a vite été démontrée dans le cadre d’une série extraordinaire d’événements dans le bassin des Grands Lacs au cours des dernières années. Plus d’une décennie de niveaux d’eau sous la moyenne dans les Grands Lacs d’amont a culminé avec un bas niveau record dans les lacs Michigan-Huron en janvier 2013. Cette période sèche prolongée a été suivie par des conditions beaucoup plus humides. Au cours des 24 derniers mois, le lac Supérieur et les lacs Michigan-Huron ont connu certaines des hausses les plus rapides du niveau d’eauenregistrées à ce jour dans les Grands Lacs. Plus récemment, les conditions climatiques exceptionnelles, notamment les précipitations importantes partout au-dessus des bassins du lac Ontario, de la rivière des Outaouais et du fleuve Saint-Laurent ont entraîné des records de haut niveau en 2017 (voir l’article « Extreme Conditions and Challenges During High Water Levels on Lake Ontario and the St. Lawrence River » [en anglais seulement]). 

Ces événements ont entraîné de vastes répercussions de nature très variée. Les inquiétudes des intervenants quant aux effets des faibles niveaux d’eau sur la navigation, la navigation de plaisance et les milieux humides se sont transformées en inquiétudes liées à l’érosion des berges, aux inondations mineures et à la modification des conditions de l’habitat aquatique dans la rivière St. Marys, avec la hausse des niveaux d’eau et des débits des Grands Lacs d’amont. Dans le lac Ontario et le fleuve Saint‑Laurent, de graves inondations et des dommages côtiers importants ont eu lieu à la suite des conditions météorologiques exceptionnelles de cette année.

Le comité GAGL fait appel à divers organismes et partenaires pour trouver les données et les outils accessibles pour analyser et étayer les résultats de ces événements dans l’ensemble du réseau des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent et sur les secteurs touchés par des intérêts côtiers, la navigation de plaisance et le tourisme, la navigation commerciale, la production d’hydroélectricité, le rejet d’eaux usées municipales et industrielles.

Il se fondera également sur les indicateurs de la santé des écosystèmes, notamment sur la réponse des milieux humides. Au cours de la dernière année, le comité a appuyé l’élaboration d’un modèle intégré de la réponse écologique des rapides de la St. Marys afin d’aider à mieux comprendre et à prédire les effets des débits changeants et des niveaux d’eau sur les poissons et sur d’autres conditions de l’habitat aquatique au sein de cette aire essentielle du réseau des Grands Lacs d’amont. Le modèle appuiera l’évaluation de l’exploitation optimisée et plus efficace des valves du barrage situé en amont des rapides.

En ce qui concerne le lac Ontario et le fleuve Saint-Laurent, le comité se concentre cette année, dans la mesure du possible, à étayer l’ensemble des conditions hydrologiques et climatiques dans tout le bassin, de même que les effets de ces conditions dans tous les secteurs. Cette étude comprend la réalisation de relevés et une imagerie des rives afin d’étudier les inondations et l’érosion, de même que les dommages subis par les structures de protection des rives et par les infrastructures riveraines le long des rives du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent, depuis Kingston vers l’aval, passé Montréal.

Shoreline flooding near Fair Haven, New York
Inondation des rives près de Fair Haven, New York. Photo : US Army Corps of Engineers, juin 2017    

Inondation des rives dans le Saint-Laurent inférieur, près du lac Saint-Pierre, Québec. Photo : Programme national de surveillance aérienne de Transports Canada, mai 2017 Le comité s’efforce également de mieux comprendre les effets pour les navigateurs de plaisance et les bateaux de croisière qui ont eu à manœuvrer là où les quais et les rampes de mise à l’eau étaient inaccessibles, de même que les effets qu’ont eus la fermeture de marinas et d’autres entreprises, et la baisse des revenus attribuables au tourisme. Parallèlement, l’industrie de la navigation commerciale a pris des mesures d’atténuation pour s’assurer que la navigation était sécuritaire durant cette période record de forts débits et de vitesse accrue du courant dans le fleuve Saint-Laurent. Les coûts liés à ces mesures seront étudiés par le comité GAGL. Le comité prévoit également mener des études sur le terrain concernant la réponse des végétaux dans les milieux humides au cours de cette année où les niveaux d’eau ont été élevés.

Quelques années ne fournissent qu’un petit échantillon de ce à quoi pourraient ressembler les conditions futures d’approvisionnement en eau et de la façon dont les divers intérêts sont touchés, et ne suffisent donc pas pour évaluer complètement la performance d’un plan de régularisation. Néanmoins, les renseignements recueillis par le comité GAGL et par l’intermédiaire d’autres agences et intervenants seront utilisés pour informer la CMI, ses conseils et les gouvernements au sujet de la performance à long terme du Plan 2012 et du Plan 2014. Dans l’immédiat, ils serviront en outre à valider et à améliorer les modèles et les outils utilisés pour évaluer les résultats des plans de régularisation, avec comme objectif d’en améliorer la performance à mesure que l’on en sait davantage et que les conditions évoluent.

Il s’agit là de l’essence d’un processus de gestion adaptative collaborative : la surveillance et l’évaluation continue visent à tester les hypothèses, à améliorer les méthodes et à déterminer si les plans de régularisation correspondent aux attentes, et s’ils continueront de le faire en dépit de conditions changeantes.

Wendy Leger est coprésidente du comité GAGL pour le Canada. Arun Heer est coprésident du comité GAGL pour les États-Unis.

Wendy Leger
GLAM Committee

Wendy Leger is Canadian Co-Chair of GLAM Committee.

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