L’article suivant est tiré d’un bulletin archivé. Consultez notre bulletin Eaux partagées.

Comment le lac Winnipeg a été débarrassé des moules zébrées – ou presque

L’histoire commence par la découverte d’une seule moule zébrée fixée à la coque d’un bateau amarré dans un port du lac Winnipeg, au Manitoba.

Elle se termine sur le déploiement de stations de lavage des embarcations, le placardage d’affiches et les leçons à tirer pour d’autres bassins versants concernant la façon de circonscrire la menace que présente une espèce envahissante.

En octobre 2013, le mollusque solitaire a été signalé. Depuis des années, les autorités surveillaient la rivière Rouge – un des principaux affluents du lac – à la frontière canado-américaine, sans jamais avoir trouvé trace de la moule zébrée.


View larger map

Les moules zébrées préoccupent pour de multiples raisons : elles salissent les plages, les baigneurs se blessent les pieds sur leurs coquilles coupantes, elles favorisent la prolifération d’algues nuisibles et elles évincent les espèces indigènes. De plus, les moules zébrées s’agrippent aux surfaces et obstruent les canalisations d’alimentation en eau aux centrales électriques et d’autres éléments de l’infrastructure d’approvisionnement en eau. Les eaux du lac Winnipeg se déversent dans le fleuve Nelson, qui se jette dans la baie d’Hudson, où se trouvent plusieurs centrales hydroélectriques.

Ainsi, la petite moule égarée a déclenché l’application d’un protocole d’intervention rapide par le ministère de la Conservation et de la Gestion des ressources hydriques du Manitoba [en anglais seulement] et d’autres organismes.

Les intervenants ne disposaient que de quelques semaines avant que l’eau gèle – après quoi les moules seraient difficiles à déceler et pourraient se reproduire au printemps.

Jeff Long, gestionnaire des sciences halieutiques et de l’aquaculture au ministère de la Conservation et de la Gestion des ressources hydriques, relate : « Nous avions un petit groupe de personnes dans l’eau et hors de l’eau qui fouillaient les quais, les plages et la coque des navires à la recherche de ces mollusques. »

Les équipes ont trouvé environ 500 moules dans quatre ports du lac : Winnipeg Beach, Gimli, Arnes et Balsam Bay. Elles les ont débusquées sur la face inférieure des quais et sur des bateaux hissés hors de l’eau pour l’hiver. Les premiers échantillons, analysés par l’Université de Guelph, ont fait croire, vu leur taille, que les moules étaient restées dans l’eau – sans avoir été découvertes – durant plus d’un an.

Toutefois, comme les échantillons avaient été prélevés sur des ouvrages qui ne pouvaient permettre aux moules de survivre l’hiver, il est apparu évident que les moules étaient nées dans la saison d’eau libre de 2013 et qu’elles avaient grandi vite.

Moules zébrées dans un contenant. Photo : ministère de la Conservation et de la Gestion des ressources hydriques du Manitoba.
Moules zébrées dans un contenant. Photo : ministère de la Conservation et de la Gestion des ressources hydriques du Manitoba.

Mais que se passait-il dans les eaux du lac? Le lac Winnipeg, le dixième plus grand du monde, était trop vaste pour être sondé, surtout en si peu de temps. Le ministère a donc examiné les échantillons prélevés à partir d’un navire de recherche qui sillonne le lac depuis une dizaine d’années. Il n’a pas trouvé trace de la moule zébrée.

« De toute évidence, nous avions affaire aux premiers stades d’une infestation », explique Long.

Tandis que les recherches se poursuivaient, les intéressés ont constitué une équipe consultative scientifique formée d’experts pour qu’elle formule des recommandations sur les moyens de lutter contre les moules zébrées. L’équipe a découvert une entreprise qui avait éradiqué les moules d’une carrière en Virginie, et a décidé d’employer une méthode analogue au lac Winnipeg et d’encercler les quatre ports infestés de barrières de rétention des limons d’un type employé pour les chantiers de construction.

Le traitement, commencé en mai 2014, mettait en œuvre du chlorure de potassium, ou potasse, un engrais chimique. La dose a été fixée à 100 parties par million, de façon à tuer les moules zébrées sans nuire aux poissons.

En juin, l’opération était terminée.

Après le traitement à la potasse, le personnel du Ministère a entrepris de surveiller les ports visés. « L’échantillonnage fait au printemps à l’intérieur et à l’extérieur des ports traités n’a révélé aucun signe de juvéniles », indique Long.

L’absence apparente de la moule zébrée dans ces ports était importante, car une seule moule peut pondre jusqu’à un million d’œufs, suffisamment pour recoloniser les lieux.

Long ajoute : « Après avoir surveillé les ports, le Ministère a effectué l’échantillonnage à partir du navire de recherche, le Namao, car il était raisonnable de s’attendre à trouver des véligères (stade larvaire) de la moule zébrée s’il y avait une population le moindrement conséquente dans le lac. ».

À l’été, des cœurs se sont brisés. Dans le bassin sud, vers la fin de juillet, neuf petites moules ont été trouvées dans les échantillons recueillis par le personnel à bord du navire de recherche. D’autres prélèvements ont révélé la présence de moules adultes sur la paroi extérieure du brise-lames à Balsam Bay et de juvéniles dans les ports et sur des objets flottants en pleine eau.

Le plan d’intervention rapide a donc été revu. « Nous avons renforcé notre programme de confinement, qui avait toujours visé à empêcher la propagation des moules hors du lac et dans d’autres masses d’eau au Manitoba », explique Long.

Ce renforcement s’est traduit par une augmentation importante du programme d’inspection des embarcations, et le Ministère a déployé plus d’équipes et plus de dispositifs de décontamination des bateaux qu’il ne l’avait jamais fait au Manitoba.

Dispositif de décontamination employé au lac Winnipeg. Photo : ministère de la Conservation et de la Gestion des ressources hydriques du Manitoba.
Dispositif de décontamination employé au lac Winnipeg. Photo : ministère de la Conservation et de la Gestion des ressources hydriques du Manitoba.

« Nous croyons encore qu’il est dans l’intérêt de tous d’empêcher la propagation », affirme Long. « La moule zébrée ne remonte pas le courant seule, mais les vecteurs humains semblent l’y aider très bien, et lui permettre de se déplacer, par exemple en s’accrochant à la coque ou dans les viviers de bateaux qui circulent d’un lac à un autre.

On forme un nombre plus grand d’inspecteurs à mesure que les efforts pour confiner l’envahissant mollusque s’intensifient. Le bassin sud, où les moules ont été dépistées le plus récemment, est ciblé.

On déploie des dispositifs fixes et mobiles dans les secteurs où les bateaux circulent beaucoup. Les embarcations sont lavées au moyen de nettoyeurs haute pression et haute température avant d’être emportées sur des remorques.

Une campagne média employant des affiches et autres matériels de sensibilisation a été lancée pour renseigner le public sur les façons d’empêcher la progression des moules.

Exemple d’affiche de la campagne pour stopper la progression des moules et d’autres espèces envahissantes.
Exemple d’affiche de la campagne pour stopper la progression des moules et d’autres espèces envahissantes.

Jusqu’ici, le public a plutôt bien réagi, selon Long. Entre-temps, d’autres instances qui s’intéressent à la lutte contre la moule envahissante dans le lac Winnipeg ont communiqué avec le Ministère, notamment des autorités d’Espagne et, aux États-Unis, du Texas et de la Californie.

Long conclut : « Nous avons appris certaines choses concernant la difficulté d’éradiquer l’espèce, la vitesse d’infestation et la valeur de la prévention. »

Abonnez-vous à notre bulletin !

Formulaire d'inscription