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Les milieux humides côtiers du bassin ouest du lac Érié, un outil tout usage en disparition

 

Chris May, directeur de la restauration de l’habitat à l’organisme The Nature Conservancy, à gauche, explique les phases de la construction et de la restauration planifiées du marais Érié, situé près de la frontière entre le Michigan et l’Ohio. Photo : Melissa Molenda/TNC.
Chris May, directeur de la restauration de l’habitat à l’organisme The Nature Conservancy, à gauche, explique les phases de la construction et de la restauration planifiées du marais Érié, situé près de la frontière entre le Michigan et l’Ohio. Photo : Melissa Molenda/TNC.

Que signifie une perte de 95 %? Imaginez la perte de 95 % de votre portefeuille de retraite. Il vous faudrait toute une nouvelle carrière pour le reconstituer. Que se produirait-il si nous perdions 95 % de l’eau des Grands Lacs? Tous les lacs, sauf le lac Ontario, seraient asséchés.

Ce scénario semble plutôt dramatique, mais c’est exactement où nous en sommes compte tenu de l’état de nos milieux humides dans le bassin ouest du lac Érié --- qui va de Pointe-Pelée, en Ontario, passe par le Michigan et s’étend jusqu’à Sandusky, en Ohio. Par exemple, dans le nord-ouest de l’Ohio, il ne reste plus que 5 % des 307 000 acres de milieux humides bordant à l’origine le lac Érié, et des situations semblables se présentent dans le reste du bassin ouest de ce plan d’eau. Les marais autrefois abondants ont été profondément altérés ou détruits suite au développement, à la conversion et au drainage par le biais de la construction de levées, de routes, de chemins de fer et d’ouvrages de cuirassement des rives. Les impacts de la perte de centaines de milliers d’acres de milieux humides sont graves : moins de poissons, moins d’oiseaux, des eaux plus troubles et, à terme, moins d’avantages pour les gens et la nature.


Coup d’œil sur les marais côtiers du lac Érié, en Ohio, de la réserve faunique nationale Cedar Point (coin gauche supérieur) à la réserve faunique nationale Ottawa (côte centre), où de nombreux projets de restauration et de reconnexion des milieux humides sont en cours. Photo : Google Earth.
Coup d’œil sur les marais côtiers du lac Érié, en Ohio, de la réserve faunique nationale Cedar Point (coin gauche supérieur) à la réserve faunique nationale Ottawa (côte centre), où de nombreux projets de restauration et de reconnexion des milieux humides sont en cours. Photo : Google Earth.

Milieux humides côtiers – L’outil tout usage des Grands Lacs

Les milieux humides côtiers sont effectivement l’outil tout usage de la nature. Dans l’ensemble des Grands Lacs, ils servent d’habitat aux poissons et aux oiseaux, filtrent l’eau et en enlèvent les polluants, et protègent nos rivages contre les tempêtes et les fluctuations du niveau de l’eau, et de l’érosion subséquente. Il n’y a pas grand-chose qu’ils ne peuvent pas faire. Dans le domaine de la conservation, les milieux humides côtiers constituent le principal fournisseur de ce que les scientifiques appellent des services écosystémiques.

Par exemple, les milieux humides du bassin ouest du lac Érié servent d’habitat essentiel aux poissons et à d’autres espèces fauniques pour se reproduire, élever leur progéniture et reconstituer leurs réserves d’énergie lors de la migration. Il en résulte une pêche récréative de renommée mondiale, un patrimoine de chasse de la sauvagine et une halte de migration régionale phénoménale pour les oiseaux. De fait, le plus grand festival d’observation des oiseaux en migration printanière a lieu dans la région de Toledo, en Ohio. En 2014, la semaine la plus achalandée d’observation des oiseaux en Amérique (The Biggest Week in American Birding, site en anglais seulement) a rapporté 37 millions de dollars aux entreprises régionales.

Mais un autre très important rôle des milieux humides côtiers, en particulier pour les gens qui vivent dans les environs, est l’amélioration de la qualité de l’eau.

Quels rôles les milieux humides côtiers jouent-ils ou pourraient-ils jouer au chapitre de l’amélioration de la qualité de l’eau dans le lac Érié?

La restauration – Où et dans quelle mesure?

Les Grands Lacs, en particulier les zones côtières, ont été lourdement perturbés (site en anglais seulement). Aux fins de toute initiative de restauration, deux des plus importantes questions gravitent autour de « où » et « dans quelle mesure ». Dans le cas du bassin ouest du lac Érié, un éventail d’initiatives de recherche et de planification (site en anglais seulement) conçues pour répondre à ces questions a été créé. Nos collègues, Justin Saarinen, chercheur scientifique à l’Université du Michigan à Dearborn, et Kurt Kowalski, chercheur scientifique au Great Lakes Science Center du Geological Survey des États-Unis, ont terminé une évaluation aux fins de restauration du bassin ouest du lac Érié (site en anglais seulement). Cette étude avait pour but de cartographier les zones humides les plus propices à la restauration; elle inclut un ensemble de couches de données sur les sols, l’utilisation des terres et l’hydropériode (la période durant laquelle les terres côtières sont inondées par le lac).

Cette carte guide la question du « où » les efforts de restauration devraient être déployés. Mais « dans quelle mesure » la restauration est-elle nécessaire? Autrement dit, nous ne savons pas quel devrait être notre objectif au chapitre de la restauration des milieux humides côtiers, en particulier dans une région où nous devons trouver un équilibre entre les besoins de la nature et le développement économique. Tout dépend de la question à savoir « dans quelle mesure » pour les oiseaux, les poissons ou la qualité de l’eau. Une Stratégie de conservation de la biodiversité du lac Érié (site en anglais seulement) récemment achevée, pilotée par l’organisme The Nature Conservancy avec le soutien de plus de 200 partenaires, recommande une augmentation de 10 % (en comparaison de 2011) de la superficie des milieux humides dans l’ensemble de la zone côtière du lac Érié.

La Commission mixte internationale a adopté cette recommandation dans son rapport Priorité de l’écosystème du lac Érié (PELE), se concentrant davantage sur le bassin ouest du lac Érié. La réalisation d’une augmentation de 10 %, qui équivaut à 2 584 acres (1 046 hectares) de milieux humides côtiers restaurés et nouveaux, en coûtera, selon le rapport PELE, environ 19 millions de dollars, mais ce sera un investissement qui aura probablement des retombées écologiques et économiques à court et à long terme.

Cette augmentation de 10 % n’est qu’un début. Elle représente un objectif intérimaire considéré comme raisonnable par les spécialistes de la restauration du lac Érié. Il reste encore à peaufiner cet objectif, ce qui aidera à mieux estimer les retombées écologiques et économiques (comme des populations d’oiseaux et des pêches en meilleur état et la captation d’éléments nutritifs) découlant de la restauration de milieux humides.

Une grande lacune dans les connaissances concerne le rôle des milieux humides côtiers dans l’atténuation des impacts de la charge en éléments nutritifs, le facteur principal (site en anglais seulement) à l’origine du développement d’efflorescences d’algues nuisibles (site en anglais seulement). De plus amples recherches s’appliquant aux Grands Lacs sont requises – des recherches examinant le rôle des milieux humides dans le captage des éléments nutritifs excédentaires. Des initiatives sont heureusement en cours qui élucideront directement le rôle que joue la restauration de milieux humides côtiers dans la réduction de la pollution, attribuable aux éléments nutritifs, dans le bassin ouest du lac Érié.

Passons à l’action

Nous ne devons toutefois pas laisser ces lacunes dans les connaissances entraver les progrès. Et des histoires de réussite se manifestent dans l’ensemble de ce paysage.

The Nature Conservancy, ainsi que Ducks Unlimited, le Fish and Wildlife Service des États-Unis, la National Oceanic and Atmospheric Administration, la National Fish and Wildlife Foundation, les agences publiques du Michigan et de l’Ohio et l’Erie Shooting Club, jouent tous des rôles clés dans la protection et la restauration des milieux humides du bassin ouest du lac Érié.

La réserve du marais du lac Érié (site en anglais seulement), située dans le sud-est du Michigan au nord de la baie Maumee, est en pleine restauration de 946 acres de milieux humides côtiers. The Nature Conservancy travaille avec des partenaires pour terminer la deuxième phase d’un projet en quatre phases qui permettra à l’eau, à l’énergie et aux animaux de circuler librement entre un complexe de milieux humides restaurés et le lac Érié. Cette configuration vise à restaurer l’accès aux frayères clés d’espèces de poissons d’importance écologique et économique, tout en améliorant aussi la qualité de l’habitat pour les oiseaux migrateurs.

La construction de la première phase dans le marais Érié a été achevée plus tôt cette année. Cette phase comprenait l’installation d’un ouvrage de régularisation des eaux et d’une passe à poissons (ci-dessus). Photo : Jason Whalen.
La construction de la première phase dans le marais Érié a été achevée plus tôt cette année. Cette phase comprenait l’installation d’un ouvrage de régularisation des eaux et d’une passe à poissons (ci-dessus). Photo : Jason Whalen.

Lorsque la première phase de reconstruction a été achevée, les poissons et la sauvagine ont commencé à revenir dans les milieux humides côtiers de la réserve du marais du lac Érié. Photo : Jason Whalen.
Lorsque la première phase de reconstruction a été achevée, les poissons et la sauvagine ont commencé à revenir dans les milieux humides côtiers de la réserve du marais du lac Érié. Photo : Jason Whalen.

La réserve faunique nationale Ottawa (site en anglais seulement), située dans le nord-ouest de l’Ohio, est en voie de restaurer et d’améliorer 2 837 acres de milieux humides côtiers et de milieux secs afin d’assurer le passage du poisson, de conserver des parcelles d’habitat d’oiseaux migrateurs d’importance mondiale, d’agrandir les plaines inondables pour la rivière Toussaint et le ruisseau Crane et de restaurer des champs de culture en rangs en milieux secs et en milieux humides dans des secteurs ciblés. Le but est d’accroître la couverture naturelle, la capacité de rétention d’eau et, à terme, la qualité de l’eau dans le bassin ouest. Ces travaux contribueront directement au retrait du secteur préoccupant de Maumee (site en anglais seulement) de la liste des secteurs préoccupants.

The Nature Conservancy a travaillé en partenariat avec Ohio Sea Grant (ci-dessus) pour surveiller les populations de poissons avant et après la restauration des milieux humides visés dans les réserves fauniques nationales Ottawa et Cedar Point. Photo : Jennifer Thieme.
The Nature Conservancy a travaillé en partenariat avec Ohio Sea Grant (ci-dessus) pour surveiller les populations de poissons avant et après la restauration des milieux humides visés dans les réserves fauniques nationales Ottawa et Cedar Point. Photo : Jennifer Thieme.

Donc, bien que nous ayons perdu 95 % de nos milieux humides dans le bassin ouest du lac Érié, les projets ci-dessus, et d’autres initiatives semblables, permettent un certain optimisme. De fait, dans un rapport diffusé en 2013 (site en anglais seulement) sur l’état et les tendances des milieux humides côtiers à l’échelle des États-Unis, seule la région des Grands Lacs affichait un gain de superficie en zones humides. Si nous désirons éviter des menaces telles les efflorescences d’algues nuisibles (site en anglais seulement) et rétablir les avantages naturels d’un lac en santé – la faune et les possibilités récréatives –il ne faut pas perdre notre outil tout usage. Toutefois, nous devons également aborder la restauration de façon holistique. Il est certain que les milieux humides côtiers ne « règleront » pas les problèmes d’efflorescences d’algues nuisibles – pour cela, nous devons nous tourner vers nos paysages agricoles et urbains pour les régler. Mais les milieux humides peuvent faire partie de la solution, une solution qui tient compte des oiseaux et des poissons.

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