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Les 4R pour maîtriser le ruissellement des engrais vers le lac Érié, étouffé par les algues

Les programmes « 4R » au Canada et aux États-Unis sont destinés à assurer un usage efficace des engrais agricoles fondé sur les pratiques exemplaires de gestion. Il s’agit d’utiliser la bonne source d’engrais, la bonne dose, au bon moment et au bon endroit (les quatre R viennent de l’anglais right source, right rate, right time et right place). Ces programmes encouragent les agriculteurs à mieux gérer leur emploi du phosphore, et les pratiques qu’ils préconisent peuvent vraiment diminuer le ruissellement qui alimente les problèmes d’algues du lac Érié.

Dans son rapport de la Priorité écosystème du lac Érié (PELE)[site en français], la CMI formule 16 recommandations pour aider à éliminer les efflorescences d’algues nuisibles dans le lac Érié, dont celle d’intensifier les programmes de diffusion et de communication de l’information au sujet des principes et des pratiques 4R. La bonne gestion des nutriments agricoles

Tout en recommandant de renforcer la réglementation des engrais, la CMI encourage les mesures d’application volontaire comme celles des 4R.

Les pratiques exemplaires de gestion sont efficaces et rentables – elles épargnent de l’argent aux exploitants agricoles en leur évitant de gaspiller des nutriments essentiels, et elles permettent d’améliorer la qualité de l’eau du lac Érié.

Le phosphore, comme les autres substances nutritives, nourrit les sols et optimise la croissance des cultures. Il devient un problème quand il ruisselle des terres agricoles pour pénétrer dans les cours d’eau. Dans un lac, les engrais accélèrent la croissance des algues, provoquant l’apparition de « fleurs d’eau ». Cette prolifération excessive des algues perturbe l’écosystème et dégrade la qualité de l’eau pour la baignade et la consommation.

Ainsi, au début d’août, les autorités de Toledo (Ohio) ont décelé des concentrations dangereuses d’une toxine produite par les algues – la microcystine – dans l’eau de boisson. Elles ont dû diffuser une interdiction de boire l’eau à un demi-million de personnes. L’interdiction a été levée après deux jours.

Le ruissellement provenant des terres cultivées n’est qu’une source parmi d’autres de l’excédent de nutriments dans le lac Érié, mais une source qu’il est possible en grande partie de maîtriser par l’adoption de pratiques agricoles intelligentes.

Heureusement pour le lac Érié, les stratégies 4R sont reconnues depuis des années comme des moyens efficaces de gestion agricole. Leur application a donc commencé avant même la publication des recommandations PELE. Deux initiatives ont apporté de réels changements dans les quantités de nutriments charriées jusque dans le lac : le 4R Nutrient Stewardship Certification Program qu’offrent les trois États du Michigan, de l’Ohio et de l’Indiana et le programme Farming 4R Watershed dans le bassin de la rivière Grand en Ontario.

Depuis son lancement à Perrysburg (Ohio) en mars, le 4R Nutrient Stewardship Certification Program a suscité un intérêt inespéré. Ce programme de certification volontaire s’appuie sur les fournisseurs de services d’engrais pour encourager les producteurs agricoles à adopter des pratiques exemplaires de gestion.

Pour obtenir la certification, les détaillants doivent respecter un certain nombre de critères sur trois étapes d’une année. La première année est vouée à l’éducation aux pratiques 4R. La deuxième année, on consigne et surveille l’application des pratiques. Enfin, la troisième année, des recommandations révisées par un professionnel certifié sont fournies en vue de réduire au minimum le ruissellement des engrais tout en maximisant le rendement des cultures. De plus, un auditeur indépendant vérifie que les fournisseurs obtiennent les progrès indiqués.

Les critères exigeants ont fait craindre que l’adhésion au programme soit faible au départ; les fournisseurs de services d’engrais ne reçoivent pas d’encouragement financier pour obtenir la certification, et la démarche entraîne des coûts. Or, les premiers adhérents ont affirmé être impatients de faire ce qu’il fallait et de bien conseiller leurs clients. En outre, un programme de bonne gestion bien mené profite aux détaillants, parce que leur expertise en matière d’utilisation des engrais fait épargner de l’argent à leurs clients en évitant le gaspillage, ce qui augmente la valeur des services qu’ils offrent.

Carrie Vollmer-Sanders, qui s’occupe du projet du bassin occidental du lac Érié de l’organisme The Nature Conservancy, s’est faite une championne de la création du programme de certification, et ses efforts ont été salués récemment par le président Obama dans le cadre du programme Champions of Change.

Mme Vollmer-Sanders affirme que le mérite de la réussite initiale revient en bonne partie à ceux qui, dans l’industrie agricole, ont participé dès le début et accepté de sortir de leur zone de confort pour collaborer avec des partenaires inhabituels.

Vérification pilote de la certification 4R Nutrient Stewardship. Photo : Randall Schieber, The Nature Conservancy.

Vérification pilote de la certification 4R Nutrient Stewardship. Photo : Randall Schieber, The Nature Conservancy.

Farming 4R Watershed

Le programme Farming 4R Watershed était un partenariat rural-urbain expérimental d’un an et un volet du programme Farming 4R Future offert dans cinq provinces canadiennes. Il a commencé avec un financement de 50 000 $ donné à l’Institut canadien des engrais par les Centres d’excellence de l’Ontario.

Lancé en août 2012, le programme a soutenu les activités en cours de l’Office de protection de la nature de la rivière Grand destinées à favoriser l’adoption généralisée des pratiques exemplaires de gestion en agriculture. Le territoire dont s’occupe l’Office est agricole à environ 70 %, et un million d’Ontariens y vivent qui ont besoin d’une eau propre et salubre à boire. Le programme a offert aux agriculteurs un accès en ligne à des informations spécialisées sur les pratiques exemplaires par la voie d’un ensemble d’outils en direct fournis par ClimateCHECK.

Le programme visait à créer une « grappe » d’exploitants agricoles, de scientifiques, de dirigeants des secteurs des engrais et de l’agroentreprise, de spécialistes de la conservation et d’autorités gouvernementales qui collaboreraient à améliorer les méthodes de fertilisation. L’expérience pilote du programme Farming 4R Watershed a obtenu un certain nombre de réussites, y compris le resserrement des liens entre, d’une part, l’Office et les conseillers agricoles et, d’autre part, les entreprises de cultures commerciales. La participation à un premier atelier a été plus grande qu’il avait été prévu, et l’Office a pu recueillir de précieux commentaires.

L’expérience pilote est maintenant terminée, mais le Programme de qualité de l’eau en milieu rural de l’Office de protection de la nature de la rivière Grand continuera d’aider les exploitants agricoles à écologiser leur activité comme il le fait depuis 17 ans, en apportant une assistance financière à la mise en œuvre des pratiques exemplaires de gestion dans les fermes de la région. Ce programme et le Plan de gestion de l’eau nouvellement élaboré par l’Office sont des outils de promotion des pratiques exemplaires. On espère que dans un avenir prochain, des incitatifs pour créer des plans 4R seront aussi offerts.

La rivière Grand sillonne les terres agricoles. Photo : Carl Hiebert, Office de protection de la nature de la rivière Grand.

La rivière Grand sillonne les terres agricoles. Photo : Carl Hiebert, Office de protection de la nature de la rivière Grand.

Similitudes et différences

Il y a des similitudes et des différences entre le 4R Nutrient Stewardship Certification Program aux États-Unis et le programme Farming 4R Watershed en Ontario. L’industrie des engrais appuie entièrement les deux programmes. Le Fertilizer Institute, l’Institut canadien des engrais et l’International Plant Nutrition Institute sont tous des partenaires actifs.

Cependant, la portée de chacun est différente. Le programme américain concerne l’épandage dans les trois États du bassin occidental du lac Érié, tandis que le programme canadien est axé sur un affluent qui se jette dans le bassin central du lac. Le programme américain vise à certifier les détaillants d’engrais, pour qu’ils transmettent ensuite leurs connaissances aux agriculteurs, alors que le programme canadien s’adresse directement aux agriculteurs et définit un cadre pour l’élaboration d’un plan de bonne gestion des nutriments 4R.

Les experts de la CMI, de ses conseils et de ses alliés espèrent que les principes 4R, déjà ancrés dans le monde agricole, joueront un rôle important dans la gestion de l’agriculture tournée vers l’avenir qui protège les ressources en eau et les profits des exploitants. Il se peut que la réglementation de l’emploi des engrais phosphatés apporte la solution au problème de la trop grande quantité d’apports nutritifs au lac Érié, mais les mesures d’application volontaire comme en proposent ces programmes constituent un grand pas dans la bonne direction.

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