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Qui a vu une anguille d’Amérique, cette espèce de moins en moins nombreuse?

 

Une anguille d’Amérique. Photo : Matt Windle.

Une anguille d’Amérique. Photo : Matt Windle.

L’anguille d’Amérique est un poisson au corps serpentiforme qui doit être protégé. Ce poisson, auparavant largement répandu dans le lac Ontario et le fleuve Saint-Laurent, mène une lutte difficile pour sa survie. Pour aider l’anguille à cette fin, l’Institut des sciences environnementales du fleuve Saint-Laurent travaille avec des partenaires.

L’histoire de la vie de l’anguille d’Amérique est fascinante. Elle fraye dans l’eau de mer, mais passe la plus grande partie de sa vie dans l’eau douce des lacs et cours d’eau. Sa zone de reproduction est dans la mer des Sargasses, à l’est des Bahamas et au sud-ouest des Bermudes, dans l’Atlantique Nord, à des profondeurs rapportées allant jusqu’à 1 400 pieds. Chaque femelle pond jusqu’à 20 millions d’œufs au cours de sa vie. Lorsque les œufs éclosent, les larves transparentes et dont la forme rappelle une feuille sont dispersées sur de grandes distances par les courants de l’océan. Une fois parvenues aux embouchures des cours d’eau douce, après environ une année dans la mer, elles ont la forme de l’anguille adulte.

Les femelles présentes dans le bassin des Grands Lacs peuvent rester dans l’eau douce 20 années ou plus et atteindre plus de 40 pouces et sept livres, avant de retourner dans la mer des Sargasses pour frayer et mourir. Les mâles sont considérablement plus petits et dépassent rarement plus de 24 pouces de longueur.  

Seules des anguilles d’Amérique femelles se rendent dans les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent. On ne sait pas où vont les mâles, ce qui est mystérieux car à l’embouchure du Saint-Laurent, leur nombre est égal à celui des femelles. Des anguilles d’Amérique ont été trouvées aussi loin dans les terres que dans la rivière Grand, près du lac Michigan, et dans le comté de Ashland, dans le lac Supérieur, au Wisconsin.

Mais cette espèce est en péril.

En raison du fort déclin de sa population, l’anguille d’Amérique est classée comme espèce en péril en vertu de la Loi sur les espèces en voie de disparition de l'Ontario. Le U.S. Fish and Wildlife envisage d’inscrire l’anguille d’Amérique sur la liste des espèces en péril en vertu de la Endangered Species Act des États-Unis. Le nombre moyen d’anguilles qui monte le fleuve Saint-Laurent près de Cornwall est passé de 1 000 000 par année dans les années 1980 à environ 40 000 par année en 2013.

Des chercheurs examinent une anguille d’Amérique. Photo : Matt Windle.

Des chercheurs examinent une anguille d’Amérique. Photo : Matt Windle.

« Historiquement, les anguilles avaient un effet stabilisateur sur les écosystèmes des Grands Lacs, en raison de leur surabondance, de leur longue vie et de leur rôle au sommet de la chaîne alimentaire », indique Matt Windle, chercheur scientifique à l’Institut des sciences environnementales du fleuve Saint-Laurent.

« De nos jours, il est rare de rencontrer une personne qui a vu une anguille sauvage en Ontario, et la population est en train de perdre l’importante connexion qu’ont déjà eue les Premières Nations et les colons européens avec cette espèce. La population d’anguilles dans le système des Grands Lacs a chuté de façon importante dans les années 1990, probablement en raison de l’effet cumulatif de la perte d’habitat, de la surpêche et des changements climatiques ».

M. Windle avec une anguille d’Amérique. Photo : Matt Windle.

M. Windle avec une anguille d’Amérique. Photo : Matt Windle.

La chair d’anguille est prisée dans de nombreuses parties du monde, particulièrement en Europe et au Japon. Le marché mondial du sushi stimule l’exploitation des anguilles d’Amérique et des autres anguilles. Même si la pêche commerciale des anguilles d’Amérique est maintenant interdite dans les États des Grands Lacs et en Ontario, un nombre restreint de pêcheurs subsiste au Québec.

Les barrages nuisent aussi à l’espèce, en faisant obstacle à la migration en amont du fleuve Saint-Laurent. Les exploitants d’installations hydroélectriques font des ajustements pour permettre le passage des anguilles. Ontario Hydro et la New York Power Authority ont installé des passes à anguilles, qui ont le potentiel de rétablir des populations saines.

L’Institut des sciences environnementales du fleuve Saint-Laurent étudie présentement l’utilisation de l’habitat des anguilles dans le fleuve Saint‑Laurent, dans le cadre d’un projet de recherche financé par le ministère des Ressources naturelles de l’Ontario, en collaboration avec Ontario Power Generation, le Conseil des Mohawks d’Akwesasne et le ministère des Pêches et des Océans. Le projet vise à combler les lacunes dans les connaissances essentielles concernant les conditions de l’habitat privilégié par les anguilles à différents stades de leur cycle biologique. Les anguilles sont considérées comme des ubiquistes et ont la plus grande aire de répartition géographique de toutes les espèces d’eau douce de l’Amérique du Nord.

Le devenir des anguilles, dont l’anguille d’Amérique, est le sujet d’un symposium scientifique qui se tiendra le 21 août dans la ville de Québec.

 

 

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