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Le canal Érié, bastion de la lutte contre l’invasion de l’hydrille

L’hydrille verticillée (Hydrilla verticillita) est une plante aquatique nuisible, très envahissante et opportuniste qui s’est propagée depuis son habitat d’origine en Asie à chaque continent, hormis l’Antarctique. Depuis plusieurs décennies, elle est reconnue aux États-Unis comme une plante aquatique envahissante constituant une menace grave.

Le district de Buffalo de l’Army Corps of Engineers (USACE) des États-Unis, en collaboration avec l’Engineer Research and Development Center (ERDC) de l’armée américaine est l’organisme directeur d’un projet de démonstration d’éradication visant la lutte contre cette plante envahissante dans le canal Érié et le ruisseau Tonawanda. L’éradication de cette plante est particulièrement importante étant donné la valeur économique et écologique de la voie navigable et le risque de prolifération dans plusieurs plans d’eau de l’État de New York ainsi que les Grands Lacs.

Hydrilla pulled from the Erie Canal in 2013, note the hook-shaped tubers. Image Credit: USACE.Hydrille verticillée extirpée en 2013 du canal Érié, remarquez les tubercules uncinés (en forme de crochet). Source : Army Corps of Engineers des États-Unis.

Deux biotypes de l’hydrille existent aux États-Unis : un biotype dioïque (les fleurs mâles et femelles poussent sur des plantes différentes) et un biotype monoïque (les fleurs mâles et femelles sur le même individu).

On trouve généralement le type dioïque dans les climats chauds et la forme monoïque dans les climats plus tempérés où la température est plus basse et la saison de croissance plus courte. On a montré que les deux formes pouvaient endommager l’écosystème en formant un tapis dense à la surface de l’eau qui ombrage les plantes immergées comme le potamot, la vallisnérie et la cornifle nageante.

Les épais tapis formés par l’hydrille peuvent modifier la chimie de l’eau et sa teneur en oxygène ainsi que les habitats servant à l’alimentation et au frai de certaines espèces de poissons. L’hydrille peut entraver différentes utilisations récréatives d’un plan d’eau. Elle forme habituellement ses peuplements les plus épais dans des zones peu profondes de forte visibilité, près des sites de loisir et le long des propriétés riveraines.

Selon Mike Netherland, chercheur en biologie à l’ERDC, « ce qui fait de l’hydrille une plante immergée envahissante plutôt unique est sa capacité de couvrir de vastes zones continues qui s’étendent parfois sur des milliers d’acres.

« L’hydrille se répand par des fragments, des turions (petits bourgeons latents verts), des tubercules (structure blanche ou jaune ressemblant à une pomme de terre qui se forme sur la racine sous terre), des collets (partie de la racine d’où émerge la tige). Elle possède des points de compensation pour la lumière faible et le dioxyde de carbone qui lui permettent de croître très rapidement si la température se réchauffe.

« Une fois qu’elle est établie, elle peut former des tubercules qui persisteront pendant plusieurs années, ce qui complique la gestion de cette espèce, par rapport au myriophylle en épi, une espèce envahissante bien connue. »

On ne sait pas comment l’hydrille a été introduite aux États‑Unis. Selon certains indices, dans les années 1950, elle se serait propagée depuis la Floride où elle était utilisée pour décorer les aquariums. Après que des aquariums furent mis au rebut, la plante s’est retrouvée en eau libre. Elle pousse maintenant du Pacifique à l’Atlantique.

De nombreux programmes d’éradication sont mis en œuvre dans d’autres régions des États-Unis. L’Aquathol, un herbicide homologué par l’EPA, l’agence de protection de l’environnement des États-Unis, sera utilisé, fin juillet, pour le prochain projet de démonstration de l’USACE et de l’ERDC.

Selon le Programme de sensibilisation aux espèces envahissantes du ministère ontarien des Ressources naturelles de l’Ontario et de la Fédération des pêcheurs et pêcheurs de l’Ontario, l’hydrille n’a pas été détectée au Canada. Toutefois, elle est inquiétante puisqu’elle se retrouve dans les états américains voisins.

« Le projet d’élimination de l’hydrille sera concentré sur son éradication dans le ruisseau Tonawanda et le canal Érié dans l’espoir de prévenir la propagation de l’hydrille dans les Grands Lacs et la région environnante », selon Mike Greer, gestionnaire de projet à l’USACE. « Pendant ce projet de démonstration, nous obtiendrons des informations sur les concentrations d’Aquathol et les temps d’exposition nécessaires pour supprimer l’hydrille. Ces renseignements pourront ensuite être appliqués à d’autres projets d’élimination. »  

Dense hydrilla beds that have formed adjacent to the banks of the Erie Canal, September 2013. Image Credit: USACE.

Denses tapis d’hydrilles au voisinage des rives du canal Érié, en septembre 2013. Source : Army Corps of Engineers des États-Unis.

On trouve l’hydrille en bancs dispersés sur environ 24 km (15 mi) le long du canal Érié. L’équipe du corps des ingénieurs démontrera l’efficacité d’une application unique d’Aquathol en temps opportun qui ciblera la plante au moment de son cycle vital où elle est la plus vulnérable, c’est-à-dire après la germination des tubercules, mais avant la formation de nouveaux tubercules.

L’objectif de la première année est de réduire la biomasse de l’hydrille de 95 % et le nombre de tubercules 85 % ou plus. Ces cibles sont fondées sur les résultats d’un projet similaire d’éradication dans le goulet du lac Cayuga, au centre de l’état de New York.


Selon Greer, « on appliquera l’herbicide Aquathol dans des quantités correspondant au bas de la fourchette des directives de l’étiquette ce qui implique qu’il n’y aura pas de recommandations relatives à la baignade, la pêche et l’irrigation. » L’équipe de l’USACE et de l’ERDC collaborera avec la société du canal de l’état de New York. Afin de réduire fortement le débit du canal Érié pendant 48 heures, alors que l’équipe d’application répandra depuis un bateau environ 7 000 litres (1 850 gallons américains) d’Aquathol sur 11 km (7 mi) de la portion la plus occidentale du canal. Afin de prévenir la prolifération de l’hydrille, l’USACE administrera le premier traitement fin juillet 2014, lequel sera répété pendant quelques années à des moments précis. »


Un épandage concentré contre l’hydrille est au départ facile, car après que les tubercules ont germé, la plante est visible depuis la surface de l’eau. Quelques années après les premières applications, la densité des plantes aura fortement diminué, ce qui suscitera des questions sur la nécessité d’autres applications d’Aquathol. Dans le cas de l’hydrille, la stratégie d’éradication exigera une diligence continue. Un des avantages clés de l’application de la première année est la réduction importante de la menace d’une prolifération depuis le canal. 

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