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Hommage posthume au très honorable Herb Gray, C.P., c.r., ancien président pour le Canada de la Commission mixte internationale

La Commission mixte internationale pleure la perte du très honorable Herb Gray, dont elle salue l’intégrité, l’esprit d’initiative et l’apport qui reste vivace. Après une carrière politique qui l’a gardé une quarantaine d’années à la Chambre des communes, M. Gray a coprésidé la Commission de janvier 2002 à janvier 2010. Son passage à la CMI a laissé un héritage pérenne, et a bien servi les eaux que nos deux pays ont en commun.

M. Gray a aidé la Commission à piloter de nombreux dossiers, dont les consultations publiques au sujet de l’ordonnance des rivières St. Mary et Milk, le rapport sur les déversements dans la rivière Sainte-Claire et les voies interlacustres, l’avis aux gouvernements pour le renouvellement de l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs et les audiences au sujet de l’ordonnance visant le lac Ontario. Enfin, il a mis sa marque sur les célébrations entourant le centenaire du Traité des eaux limitrophes, en 2009.

Herb Gray has died at age 82. Credit: IJC files.Herb Gray, qui s’est éteint à 82 ans. Photo : archives de la CMI.

Gordon Walker, président intérimaire pour le Canada de la CMI, a rencontré M. Gray dans les années 1980, alors que celui-ci était ministre fédéral de l’Industrie et du Commerce et qu’il était lui-même ministre de l’Industrie et du Développement du commerce de l’Ontario. Il témoigne : « Herb Gray était un homme d’État diligent qui a eu une longue et brillante carrière. Il comprenait parfaitement les enjeux et allait à l’essentiel avec aisance. Ses collaborateurs partageaient son souci d’excellence. La Commission mixte internationale a été privilégiée d’avoir pu compter sur ses services durant de si nombreuses années. »

À la CMI, le plus proche collaborateur de M. Gray a sans nul doute été Nick Heisler, conseiller principal, Planification stratégique et relations avec les parties prenantes. Nick a commencé à travailler pour M. Gray en mars 1998 dans son cabinet alors que celui-ci était vice-premier ministre. Il l’a suivi quand M. Gray a pris la barre de la CMI en 2002.

Nick Heisler

Quand le très honorable Herb Gray a quitté le conseil des ministres du gouvernement du Canada, en janvier 2002, il aurait probablement pu obtenir n’importe quel poste au sein de l’administration. Il l’avait bien mérité, après avoir représenté la circonscription de Windsor-Ouest à la Chambre des communes près de quarante-deux ans et avoir occupé treize postes ministériels, dont celui de vice-premier ministre durant cinq ans. Il en a donc surpris beaucoup lorsqu’il a demandé à devenir coprésident de la CMI. Certains ont pu penser que cette fonction l’attirait parce que la CMI avait un bureau à Windsor, ce qui a sûrement pesé dans la balance, mais je ne crois pas que c’était la motivation première.

Lorsque M. Gray a été nommé à la Commission, il m’a raconté que, jeune député nouvellement élu, il avait été affecté au Comité permanent des affaires étrangères de la Chambre des communes et qu’une des premières réunions auxquelles il avait assisté avait porté sur le Traité du fleuve Columbia. Le témoin était le général Andrew G.L. McNaughton (1er mars 1950 au 15 avril 1962), qui coprésidait alors la CMI. M Gray m’a relaté : « Imaginez, j’entendais parlé de ses exploits à la radio – cet homme qui avait dirigé les Forces canadiennes pendant la Seconde Guerre mondiale –, et voilà qu’il me fallait, moi, qui étais encore mouillé derrière les oreilles, le questionner au sujet du traité. Je me rappelle que ça ne lui plaisait pas trop. »

M. Gray a choisi la CMI, parce qu’il avait un énorme respect pour cette institution et pour le Traité des eaux limitrophes et qu’il avait à cœur la santé de l’environnement que partagent nos deux pays. Il aurait pu siéger à n’importe quel conseil d’administration, mais il a choisi de continuer à travailler vraiment et à assumer une mission de service public.

Il s’émerveillait sans cesse, quand il consultait le Traité des eaux limitrophes ou un ancien rapport de la CMI, de la sagesse et de la clairvoyance des décisions prises par la Commission. Un des documents qu’il préférait était celui intitulé Protection des eaux des Grands Lacs, dont l’ex-président (10 mars 1997 à mars 2001) Len Legault avait participé à la rédaction de la première ébauche, s’était-il fait dire.

Et, oui, Herb Gray lisait les vieux rapports de la CMI – avec plaisir et pour le plaisir –, ce qui montre combien il était méthodique. Comme aime à le dire un de ses anciens collègues : « Herb Gray posait les questions difficiles, sans jamais s’attendre à ce qu’on sache y répondre sur-le-champ – mais il s’attendait à ce qu’on cherche les réponses sur-le-champ. »

Lorsqu’il a pris sa retraite, je lui ai porté un toast. Je reproduis ici le discours que j’ai prononcé à cette occasion, non pour le vain plaisir de me citer, mais parce que cet éloge exprime encore le mieux mon sentiment. Trop souvent, on vante les mérites de quelqu’un lorsqu’il est trop tard. J’ai eu la chance de pouvoir dire à M. Gray ce que je pensais de lui de son vivant.

Je veux remercier M. Gray du merveilleux privilège qu’il m’a accordé au cours des douze dernières années. J’ai vu et fait des choses que je n’aurais pu imaginer faire ou voir. Qui plus est, ses enseignements et les compétences qu’il m’a permis d’acquérir vont me servir à jamais. Et je ne parle pas seulement de m’initier aux rouages du gouvernement, mais de me donner de véritables leçons de vie. J’ai appris à répondre, lorsque l’absence de quelqu’un à une réunion soulève des questions, que l’absent s’occupe sans doute de nos intérêts autrement. J’ai appris à accorder à chacun le bénéfice du doute, à écouter attentivement et à me laisser séduire, non par le prestige de l’orateur, mais par le poids de l’argument. J’ai appris qu’il vaut mieux se taire quand on n’a rien de gentil à dire (même lorsqu’on a le discours en mémoire et le texte en poche). Ce sont les qualités qui ont gagné tant de respect à notre président, et laissez-moi vous donner un exemple de ce respect.

Un jour, alors que j’étais au cabinet du vice-premier ministre et que tout allait mal – j’étais engagé dans une échauffourée sans issue avec certaines personnes du cabinet du premier ministre –, je me suis apitoyé sur mon sort auprès d’un collègue, qui m’a dit : « Oublie-les. Au final, tu fais partie d’une poignée de gens qui ont la chance de collaborer avec le plus grand parlementaire, le meilleur stratège politique et le plus honorable politicien que ce pays ait jamais connu. À la fin de tes jours, tu pourras te vanter d’avoir travaillé pour Herb Gray – ces personnes ne le pourront pas. Il n’existe pas de plus grand honneur. »

Je dois dire que durant les douze années ou presque où j’ai travaillé pour M. Gray, j’ai entendu ce genre de commentaires de beaucoup de monde – depuis les employés de la salle du courrier jusqu’aux sous-ministres, on me disait fièrement « moi aussi j’ai travaillé pour Herb Gray ». Je vous invite donc, mes collègues de la CMI, à vous joindre à moi pour lui porter un toast, parce que vous êtes parmi les quelques chanceux qui peuvent dire honnêtement « j’ai travaillé pour Herb Gray », et savoir que ça veut tout dire.

Merci, Monsieur Gray. Je vous salue!

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